Hétérogénéité des mécanismes physiopathologiques du syndrome des anti-phospholipides
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Abstract EN:
The anti-phospholipid syndrome associates a clinical event (repeated abortions and/or foetal deaths in utero and/or vascular thrombosis) and a biological event, the presence of (an) anti-phospholipid antibody(ies) (anti-cardiolipid and/or antiβ-2GPI and/or circulating anticoagulant). This definition underlines the clinical and biological heterogeneity of the syndrome and the potential complexity of the pathogenic mechanisms. Single anti-phospholipid B cells from patient's peripheral blood were sorted by flow cytometry using cardiolipin-labeled vesicles. Messenger RNAs of these single B cells were subjected to reverse transcriptase-polymerase chain reaction to amplify the V region genes of the H and L chains. The amplification products were cloned into recombinant Baculovirus to produce monoclonal human anti-phospholipid antibodies. In the present work, we studied the passive transfer of monoclonal anti-phospholipid antibodies to pregnant mice. Injection of various monoclonal antibodies produced from B cells arising from a randomly selected patient shows that only monoclonal antibody CIC15, among those which were injected, leads to a resorption rate of 30%. This antibody recognizes the cardiolipin and is dependent on annexin A5; it presents three somatic mutations in the first complementary determining region of the light chain [CDR]. Germinal configuration of antibody CIC15 [GL] is poly-reactive, recognizes cardiolipin less strongly and is independent of annexin A5. In our model, GL does not exert any pathogenic effect. These results demonstrate that fine specificity and pathogenic potential of CIC15 is due to the presence of three mutations in CDR, suggesting that it appeared after antigen driven maturation. Chronology of injection is quite important since late injection does not disturb gestation whereas the early injection induces pathological phneomena. Although it is not possible to precisely identify target of CIC15 directly involved in the pathogenicity, because of its poly-reactivity, CIC15 forms deposits in the placenta and involves the formation of local thrombosis. In vitro, CIC15 is able to accelerate the generation of thrombin but does not have any effect on organization of annexin V network. The pathogenic effect is exerted independently of activators Fcgamma RI-RIII receptors. Various anticoagulants are able to abolish the pathogenic effects of CIC15. This observation and the absence of neutrophil infiltrate, as confirmed by various histological analyses, constitute a strong arguments against the activation of complement in this model. Several mice strains (we tested CIC15 on C57/bl6 mice and several deficient mice on C57/bl6 background) are resistant to this antibody, and this result underlines the importance of the genetic background in anti-phospholipid syndrome. Our model is thus an obstetric model relying on placental thrombosis by acceleration of thrombin generation in the presence of CIC15. The exact mechanism remains unknown but our results indicate that there are no inflammatory reaction nor annexin V shield destruction in this experimental system. These results accentuate the heterogeneity of the physiopathology of anti-phospholipid syndrome. Such a physiopathological heterogeneity could at least partially explain the various phenotypes associated to anti-phospholipid syndrome (vascular versus obstetric, early versus late, venous versus arterial, anti-cardiolipid versus lupus anticoagulant, etc). To identify the various mechanisms involved is of importance for two reasons: (a) to make it possible to better predict the individual risk (b) and thus to better target the treatments and render them more tolerated than the currently used classical anti-coagulation administration.
Abstract FR:
Le syndrome des antiphospholipides est défini par l’association d’un événement clinique (avortements répétés et/ou morts fœtales in utero et/ou thromboses vasculaires) associé à un événement biologique, la présence d’un anticorps antiphospholipide (anticardiolipides et/ou antiβ2GPI et/ou anticoagulant circulant). En réalité, cette définition souligne déjà l’hétérogénéité clinique et biologique de ce syndrome et interroge le ou les mécanismes pathogéniques impliqués. Compte tenu des manifestations thrombotiques observées au cours de la maladie, on a avancé qu’il y existe un mécanisme thrombophilique univoque. Dans les manifestations obstétricales, la destruction du bouclier d’annexine V créerait les conditions pro-thrombotiques dans le placenta. Plus récemment, l’étude d’un modèle murin est venu souligner l’importance du complément et en particulier des anaphylatoxines C3 et C5, faisant ainsi du syndrome des antiphospholipides, obstétrical et peut être vasculaire, une maladie inflammatoire, ce qui suggère un mécanisme radicalement différent. Le présent travail participe à l’élucidation de certains des mécanismes mis en jeu dans le syndrome des antiphospholipides obstétrical grâce à l’usage d’un modèle murin faisant appel au transfert passif d’anticorps monoclonaux. Il a pu voir le jour grâce à un important travail préalable conduit au laboratoire. En utilisant une technique de tri sélectif sur vésicules phospholipidiques par cytométrie en flux, les Lymphocytes B anti phospholipides ont été isolés. Les régions variables de ces lymphocytes ont été clonées dans des Baculovirus et les anticorps monoclonaux ont ainsi pu être produits dans des cellules d’insectes, et leur spécificité fine étudiée. Cent microgrammes d’anticorps monoclonaux ont été injectés par voie intraveineuse à des souris gestantes balb/c à J0 et J1 suivant l’accouplement des souris. Ces dernières ont été sacrifiées à J10 et les structures embryonnaires et placentaires étudiées (nombre de résorptions fœtales, histologie conventionnelle et immunofluorescence). L’effet de ces anticorps a également été étudié chez des souris invalidées pour les récepteurs activateurs Fcgamma RI et RIII au fragment Fc des immunoglobulines G. L’effet de différents anticoagulants (héparines de bas poids moléculaire, hirudine et fondaparinux) a également été évalué. Sur le plan histologique, des souris traitées selon le protocole décrit ont également été étudiées vers J5 et l’on a pratiqué des études d’immunofluorescence indirecte sur des coupes d’utérus gravides. L’effet de l’antiphospholipide pathologique sur la coagulation a été étudié en utilisant une épreuve fonctionnelle de génération de thrombine. En collaboration avec l’équipe d’Alain Brisson (Bordeaux), nous avons évalué l’effet de l’anticorps pathogène sur le réseau d’annexine V par microscopie à force atomique. L’injection de différents anticorps monoclonaux produits à partir d’une seule patiente à des souris gestantes entraîne des effets variables : seul l’anticorps CIC15 parmi ceux qui ont été injectés déclenche environ 30% de résorptions fœtales. Cet anticorps présente des mutations siégeant dans la troisième région déterminant la complémentarité, et qui sont responsables de la pathogénicité. En effet, la configuration germinale de l’anticorps obtenue par mutagenèse dirigée a été éprouvée et n’exerce pas d’effet pathogène dans notre modèle. La chronologie d’injection est primordiale puisque l’injection tardive ne perturbe pas la gestation alors que l’injection précoce est pathogène ; cette observation expérimentale rapproche ce modèle des observations humaines d’avortements répétés plutôt que de morts fœtales in utero faites en clinique humaine. Bien qu’il ne soit pas possible de repérer précisément la cible de l’anticorps directement responsable de la pathogénicité, en raison de sa polyréactivité qui empêche l’analyse fine des expériences d’immunofluorescence, CIC15 se dépose dans le placenta et entraîne localement la formation de thrombose. In vitro, CIC15 est d’ailleurs capable d’accélérer la génération de thrombine mais n’a pas d’effet sur l’organisation du réseau d’annexine V. L’effet pathogène s’exerce indépendamment des récepteurs activateurs Fcgamma RI RIII. Différents anticoagulants sont capables d’abolir les effets pathogènes de CIC15. Cette observation et l’absence d’infiltrat neutrophilique dans les différentes analyses histologiques constituent un faisceau d’arguments lourds en défaveur de l’intervention du complément même si les souris déficientes pour le récepteur du C5a n’ont pu être utilisées. En effet, certaines souches de souris (nous avons éprouvé notre anticorps pathogène sur des souris C57bl/6) dont celle qui est invalidée pour le récepteur du C5a, sont résistantes à CIC15, et ce constat souligne l’importance du fond génétique dans la survenue du syndrome expérimental des antiphospholipides par transfert passif murin. Notre modèle est donc un modèle obstétrical fondé sur la thrombose intra placentaire par accélération de la génération de thrombine en présence de CIC15. Le mécanisme exact du phénomène reste inconnu mais nos résultats indiquent qu’il n’y a pas de réaction inflammatoire dans ce système expérimental. Ces résultats accentuent l’hétérogénéité de la physiopathologie du syndrome des antiphospholipides. Toutefois, et même si les modèles murins restent un outil très performant, il est important de pouvoir démontrer l’existence de ces mécanismes chez l’homme, ce qui relève, actuellement, de la gageure, en particulier parce que les mécanismes sont multiples. Cette hétérogénéité physiopathologique pourrait rendre compte au moins en partie des différents phénotypes du syndrome des antiphospholipides observés (vasculaire versus obstétrical, précoce versus tardif, veineux versus artériel, anticardiolipides versus anticoagulants circulants, etc. ). Identifier les différents mécanismes est d’importance pour deux raisons : (a) permettre de mieux prédire ainsi le risque individuel et (b) mieux cibler les traitements et les rendre mieux tolérés que ne l’est l’anticoagulation utilisées actuellement.