Modèles de la critique et "Arrêt sur images" : étude d'une entreprise critique comme activité sociale
Institution:
Lyon 3Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
This study questions the television broadcast Arrêt sur Images (ASI) critical work within its three social spheres: conditions of production, discourse and reception in the mass media area. This is a socio-semiotic analysis of the ASI criticism based on established patterns of the social criticism. Considering that criticism cannot be reduced to an unique paradigm and comprises different dimensions, we developed six models of it (Koselleck, Montesquieu, Barthes, Bourdieu, Boltanski et Walzer), used as “ideal types” from which we examined Daniel Schneidermann's, the ASI anchorman, practice of criticism. Thus, this work analyzes criticisms made to mass media through a diachronic angle, Schneidermann's career history, the editing board's daily work, the semiotic artefact « Arrêt sur images » itself and questions the way mass media interpret Schneidermann's criticisms. Then, we notice that his critical activity in ASI is not a spontaneous phenomenon but lies on criticism traditions. Nevertheless, if the ASI critical work belongs to several models, Schneidermann is comparable to the critic in Walzer's one : a local judge who observes his fellow-citizens' practices, denounces them when city principles are disregarded and finally interpellate people on behalf of these city rules. This criticism and the role Schneidermann assigned to himself provoke rejection from the mass media. This reaction reveals the irritating side of criticism and how it is difficult for this sphere to accept judgments.
Abstract FR:
Cette recherche interroge l'activité critique de l'émission de télévision Arrêt sur images dans ses trois espaces sociaux : ses conditions de production, son discours et sa réception (dans le champ médiatique). Il s'agit d'une socio-sémiotique de la critique d'Arrêt sur images fondée sur une modélisation de la critique comme activité sociale. Cherchant à expliquer et à comprendre l'activité critique d'Arrêt sur images, nous avons d'abord interrogé le concept de critique comme activité sociale à travers un état des lieux de la pensée sur la critique (première partie). Nous avons constaté qu'il n'y a pas un modèle strict de la critique et que celle-ci comporte diverses dimensions : elle a une origine (une situation anomique), un dessein (le dévoilement), elle est émise depuis une certaine posture énonciative (critique immanente ou extérieure) et avec un certain langage (ordinaire, spécialisé, subjectif), elle mobilise des ressources (la morale, la connaissance pratique, le Savoir) et entreprend des actions (jugement, description, interprétation) et enfin, elle suscite des réactions (notamment du rejet). Ce faisant, nous avons constitué six modèles de la critique (ceux proposés respectivement par Koselleck, Montesquieu, Barthes, Bourdieu, Boltanski et Walzer) pris comme des idéaux-types à partir desquels nous avons analysé la pratique critique de Daniel Schneidermann à Arrêt sur images dans toute sa trajectoire sociale : de son origine aux réactions qu'elle suscite. Plus précisément, nous avons analysé les conditions de production externe et interne de l'émission (deuxième partie) par un examen diachronique des critiques faites aux médias, l'analyse de la trajectoire de Daniel Schneidermann et de la pratique quotidienne des acteurs de l'émission (via une observation participante de six mois), afin de comprendre l'origine de la critique, le vouloir-faire de Daniel Schneidermann et les ressources mobilisées pour l'accomplir. Ensuite (troisième partie), nous avons analysé l'artefact sémiotique « Arrêt sur images » et sa formule critique, en utilisant les instruments de la pragmatique et de la sémiotique, pour interroger l'objet de la critique, la posture de son auteur, son langage et ses actes. Enfin (quatrième partie), nous avons analysé la manière dont la presse rend compte d'Arrêt sur images dans ses pages et interprète l'activité critique de Daniel Schneidermann. Ce faisant, on constate d'abord que l'activité critique de Daniel Schneidermann à Arrêt sur images n'est pas un phénomène spontané mais s'inscrit dans des traditions critiques. Ensuite, l'analyse montre que si l'activité critique d'Arrêt sur images navigue entre plusieurs modèles, Daniel Schneidermann semble plus largement appartenir à la compagnie des critiques sociaux du modèle walzerien : un juge local qui observe les pratiques de ses concitoyens, dénonce celles qui constituent des manquements au regard des valeurs et principes de sa cité, et interpelle ces concitoyens en leur nom. Cette activité critique et le rôle que se donne Daniel Schneidermann entraîne notamment (mais pas uniquement) des réactions de rejet dans le champ médiatique (quatrième partie). Ce rejet manifeste l'aspect irritant et dérangeant de la critique. En outre et plus spécifiquement, il illustre la difficulté du champ médiatique à accepter la critique.