thesis

L'image négociée. Une sociologie des professions du photojournalisme à l'ère numérique

Defense date:

Nov. 28, 2018

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Disciplines:

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Abstract EN:

Many observers argue that the professions revolving around photojournalism are facing a deep crisis in recent decades due to increased competition with image banks and amateurs. However, several organizations continue to handle the production of photojournalistic images in a specialized manner, championing the importance of maintaining what they refer to as a “professional” attitude towards these objects. How can some actors successfully claim the “license” to produce these artifacts and the possibility of autonomously defining their own “mandate”, while their monopoly over this activity is no longer taken for granted? A two-pronged inquiry, both historical and ethnographic, will provide an answer to this question. The ethnographic part of this research was carried out on three French editorial boards: the photo service of an international news agency, the editorial staff of the print edition of a national newspaper, and the web editorial team of a news magazine. This investigation showed that the strong division of labor in media companies is not at odds with the exercise of professional autonomy, understood as the ability, for actors, to implement complex assessments while reflecting on the very aims of their activity. The virtuosity of photojournalism professionals consists in bringing together heterogeneous constraints, which are not reducible to the simple logic of profit. These constraints are reinforced and updated through interactions between actors who compose the different professional segments and through the contacts they maintain with external groups (i.e. the sources and the public). Autonomy is therefore the result of a sui generis work organization that allows professionals to develop a specific morality in connection with that of neighboring groups as well as the “intelligence” of their activity. However, tendencies towards “deprofessionalization” are also noticeable: the actors’ autonomy is undermined when production systems tend to individualize work and, at the same time, to abolish complex judgment. This thesis thus aims to contribute to current discussions on the impact of digital technologies and new forms of work organization on professional autonomy.

Abstract FR:

Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que les professions du photojournalisme sont entrées ces dernières décennies dans une crise profonde, due à la concurrence accrue avec les banques d’images et avec les amateurs. On constate cependant que de nombreuses structures continuent à prendre en charge la fabrication des images d’actualité de manière spécialisée, tout en défendant l’importance de mettre en œuvre, face à ces objets, une attitude qualifiée de « professionnelle ». Comment certains acteurs peuvent-ils revendiquer avec succès la « licence » de produire ces artefacts et la possibilité de définir de manière autonome leur propre « mandat », à l’heure où le monopole sur ce type de production semble avoir perdu son évidence ?La réponse à cette question est cherchée à travers une double enquête, historique puis ethnographique. La seconde a été menée dans trois rédactions françaises : le service photo d’une agence de presse mondiale, la rédaction print d’un quotidien national et la rédaction web d’un news magazine. L’enquête a conduit à mettre en lumière que la forte division du travail dans les entreprises de presse n’est pas antinomique avec l’exercice, de la part des acteurs, d’une autonomie professionnelle, entendue comme la capacité à mettre en œuvre des arbitrages complexes tout en menant une réflexion sur les finalités mêmes de leur activité. La virtuosité des professionnels du photojournalisme consiste à faire tenir ensemble des contraintes hétérogènes, irréductibles à la seule logique du profit. Ces dernières se renforcent et se réactualisent à partir des interactions entre les acteurs qui composent les différents segments professionnels et lors des contacts de ces mêmes acteurs avec des groupes extérieurs aux entreprises de presse (ie. les sources et le public).L’autonomie est donc le résultat d’une organisation du travail sui generis qui permet aux professionnels de développer une morale spécifique articulée à celle de groupements voisins ainsi que l’« intelligence » de leur activité. Mais des tendances à la « déprofessionnalisation » sont également repérables : l’autonomie des acteurs peut être mise à mal à l’intérieur de dispositifs de production qui tendent à individualiser le travail et, en même temps, à réduire la multidimensionnalité de l’évaluation.Cette thèse entend ainsi contribuer aux réflexions actuelles sur l’impact des technologies numériques et des nouvelles formes d’organisation du travail sur l’autonomie professionnelle.