thesis

De la conservation en Amazonie : norme environnementale et démocratie territoriale à l’heure du « Faire mieux avec moins ». La Guyane française et l'État brésilien de l'Amapá entre tensions et normalisations.

Defense date:

June 29, 2018

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Abstract EN:

In Amazonia, nature conservation is oriented towards governing men. In the name of biodiversity, marginalized population are being monitored on peripheral territories. Initially designed as tools of restriction, protected areas now go together with decentralisation. Their new goals for local democracy and economic development participate of a globalized evolution of public administration, from « sovereignty » to « governmentality». By comparing French and Brazilian processes of State reforms, this thesis first explores how environmental norm, by imparting a scientific power to the diversity and subsidiarity principles, is prompting a liberal reshuffle in states that were historically centralized. Updating a « self government » myth, the Environment is shaping a new « social contract », in the form of a territorialized moral governance project that strives to counterbalance inequalities through community federation. Secondly, an historical study of large protected areas shows how conservation complements state redeployment. In Amapá and French Guyana, it comes after sovereign function strategies maintained on a distant Amazonia, switching between paternalistic attitude and delegation of authority to local elite groups. On these « abnormal » territories, where natural resources articulate strong financial interests, conservation institutions are trying to reconcile different legitimacies. In bringing together local communities, public officials and economic players, administrators organise spaces of state governance that go along with regional autonomy. These concertation places are aiming to restrain the development of social and political gaps, in creating new mobilities on the territories. Finally, a compared ethnography of role plays, enlistment strategies, and emerging conflicts, shows the securitarian origin of these mechanisms for these central States. Environmental protection justifies a frugal type of governance, by multiplying counter powers and surveillance entrenchments between stakeholders of a common space. When inciting the emergence of a new « civil society » in barely administered back lands, this creates new rivalries and spreads managing rationale of responsibility. If an analysis of subjectification reveals that « adaptable coercion » compel political and economical powers to adjust strategies, it also demonstrates its difficulty to satisfy « state request » originating from local population. Comparability of Guyanese and Amapaense experiences therefore questions the evolution of the « French model », which is each time more dependant of a « proactive citizenship », that only the most privileged parts of the territories can see emerge.

Abstract FR:

En Amazonie, la conservation de la nature s’oriente vers le gouvernement des hommes : au nom de la biodiversité, on encadre des populations marginalisées sur des territoires périphériques. Initialement conçues comme des outils d’interdiction, les aires protégées accompagnent aujourd’hui la décentralisation. Leurs nouvelles missions de démocratie locale et de développement économique participent d’une évolution globalisée de l’administration publique, depuis une logique de « souveraineté » vers un registre de « gouvernementalité ».Par la comparaison franco-brésilienne des processus de réforme de l’État, cette thèse expose dans un premier temps comment la norme environnementale, conférant une force scientifique aux principes de diversité et de subsidiarité, incite la « recomposition libérale » d’États historiquement centralisés. Actualisant un mythe de self-government, l’Environnement dessine un nouveau « contrat social » : un projet de gouvernance morale, territorialisée, contrebalançant les inégalités par la fédération communautaire. Dans un second temps, l’étude historique de vastes aires protégées montre comment la conservation appuie le redéploiement étatique. En Amapá et en Guyane française, elle succède aux stratégies régaliennes de maintien sur une Amazonie éloignée, alternant tutelle paternaliste et délégation aux élites locales. Sur ces territoires « anormaux », où les ressources naturelles structurent de forts intérêts économiques, les institutions de conservation tentent de réconcilier différentes légitimités. Rassemblant communautés locales, responsables publics et acteurs économiques, leurs gestionnaires animent des espaces de gouvernance qui accompagnent l’autonomisation régionale. Ces arènes de concertation cherchent à contenir le développement des écarts sociaux et politiques en créant de nouvelles mobilités sur les territoires. Enfin, l’ethnographie comparée des jeux d’acteurs, des techniques d’enrôlement et des conflits émergeant, montre la nature sécuritaire de ces dispositifs pour les États centraux. La protection de l’Environnement justifie un mode de gouvernement frugal, multipliant les contre-pouvoirs et l’enchâssement des surveillances entre acteurs d’un même espace. En incitant l’émergence d’une « société civile » dans des arrière-pays sous-administrés, elle crée de nouvelles concurrences et diffuse une rationalité managériale de responsabilisation. Si l’analyse des subjectivations révèle que ces « coercitions souples » contraignent les forces politico-économiques à ajuster leurs stratégies, elle montre aussi la difficulté de ces dispositifs à satisfaire la « demande d’État » venue des populations. La comparabilité des expériences guyanaises et amapaenses interroge alors l’évolution du « modèle français », de plus en plus dépendant d’une « citoyenneté proactive », que seules les portions privilégiées des territoires voient émerger.