Le poids social de la différence : L'altérisation des migrants roms sous l'angle de la dissuasion urbaine, de l'intervention sociale et du militantisme de solidarité
Institution:
Université Côte d'AzurDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
In the French context, the term "Roma" has become part of the politico-journalistic vocabulary which designates a new figure from abroad: migrants - individuals and families - generally coming from Romania and Bulgaria as a result of the recent enlargement of the European Union to the East, living in precarious conditions, squats or unhealthy self-built habitats, decked out with a certain number of traits that would characterize them such as nomadism (instability), begging (dependence ) and crime (delinquency). The Roma thus appear to be recent strangers, upstarts coming both to shake up and confirm the symbolic hierarchies distributing social groups according to their differences, real or imputed. By studying the othering of Roma migrants, this research defends the perspective according to which this process can be analyzed from the angle of the “urban deterrence” of the slums, but also of the mobilizations that take place at the local level, such as the action of social intervention systems and solidarity activists engaged in the defense of migrants. Far from being the simple reactivation of old stereotypes applied to Gypsies in general which deeply permeates the imagination, the research reveals another fundamental element: dissociated from migratory utilitarianism, Roma migrants appear to be "undesirable". With neoliberal economic policies producing lasting exclusion of the national poor, governments are inclined to vindictively "substitute targets" to alleviate the social insecurity and resentment that today touches the hearts of liberal democracies. Thus this thesis shows how the othering of Roma migrants is part of systems of representations and practices inextricably linked to a socio-economic context and to the policy of social regulation of migrant poverty assigned "down the street". In fact, the new forms of circulating migration take place in an alterophobic context: if the Roma are the object of the construction of a specific Other, it is in so far as they are perceived and apprehended as being first of all supernumerary “social cases” at the same time as they are essentialized as “cultural dependents”. It is precisely the correspondence between the essentialization of cultural differences and the situation of socio-economic dependence of poor Roma migrants that constitutes the specificity of the form of othering to which they are subject. After having been relegated to the background from the 1980s in favor of criticism of the social cost of immigration, “ethnic logic” therefore made a comeback in the 2000s by designating Arab-African immigration, while the The "logic of the social weight" of difference is partly shifted to Roma migrants, as a new threatening figure of otherness : the "Roma-Gypsies" are then constructed as gravediggers of national social protection which tends to be set up as a civilizational edifice.
Abstract FR:
Dans le paysage français, le terme « Rom » est devenu élément du vocabulaire politico-journalistique qui désigne une nouvelle figure de l’étranger : des migrants - individus et familles - venus généralement de Roumanie et de Bulgarie à la suite de l’élargissement récent de l’Union européenne à l’Est, vivant dans des conditions précaires, des squats ou des habitats auto-construits insalubres, affublés d’un certain nombre de traits qui les caractériseraient comme le nomadisme (instabilité), la mendicité (dépendance) et la criminalité (délinquance). Les Roms apparaissent ainsi comme des étrangers de fraîche date, des parvenus venant à la fois bousculer et confirmer les hiérarchies symboliques distribuant les groupes sociaux en fonction de leur différences, réelles ou imputées. En étudiant la mise en altérité des migrants roms, cette recherche défend la perspective selon laquelle ce processus peut être analysé sous l’angle de la « dissuasion urbaine » des bidonvilles, mais également des mobilisations qui s’exercent à l’échelle locale, telles que l’action des systèmes d’intervention sociale et des militants de solidarité engagés dans la défense des migrants. Loin d’être la simple réactivation d’anciens stéréotypes appliqués aux Tsiganes en général imprégnant profondément l’imaginaire, l’enquête révèle un autre élément fondamental : dissociés de l’utilitarisme migratoire, les migrants Roms apparaissent comme des « indésirables ». Les politiques économiques néolibérales produisant une exclusion durable de pauvres nationaux, les gouvernements sont portés à désigner à la vindicte des « cibles de substitution » pour pallier l’insécurité sociale et le ressentiment qui touchent aujourd’hui le cœur des démocraties libérales. Ainsi cette thèse montre comment l’altérisation des migrants roms s’inscrit dans des systèmes de représentations et des pratiques inextricablement liés à un contexte socio-économique et à la politique de régulation sociale de la pauvreté migrante assignée « à la rue ». En effet, les nouvelles formes de migrations circulantes se déroulent dans un contexte altérophobe : si les Roms sont l’objet de la construction d’un Autre spécifique, c’est en tant qu’ils sont perçus et appréhendés comme étant d’abord des « cas sociaux » surnuméraires en même temps qu’ils sont essentialisés comme des « dépendants culturels ». C’est précisément la correspondance entre l’essentialisation de différences culturelles et la situation de dépendance socio-économique des migrants roms pauvres qui constitue la spécificité de la forme d’altérisation dont ils sont l’objet. Après avoir été reléguée au second plan à partir des années 1980 au profit de la critique du coût social de l’immigration, la « logique ethnique » fait donc son retour dans les années 2000 en désignant l’immigration arabo-africaine, tandis que la « logique du poids social » de la différence se déporte en partie sur les migrants Roms, comme nouvelle figure menaçante de l’altérité : les « Roms-Tsiganes » sont alors construits comme des fossoyeurs de la protection sociale nationale qui tend à être érigée en édifice civilisationnel.