Des femmes canon : les policières de séries télévisées entre normalité et normativité : analyse socio-démographique de la population des séries policières, entre recomposition et subversion des normes de genre.
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
The access of women to « legal violence » within the police force testifies to the progress made in terms of professional equality and the evolution in gender norms. Cop shows are especially relevant indicators of change since they are extremely popular and ubiquitous on French Prime Time television. This thesis examines the representation of policewomen in a corpus of 36 series broadcast in France. A socio-demographic approach enables a longitudinal analysis of the evolutions in this specific population from season to season. The concept of HST -Heroes in Series on Television- which is a hybrid entity combining characteristics of the character and its performer, plays a major role in this research. The corpus is primarily structured by a gendered asymmetry: women have fewer roles than men, they play them for a shorter time and they obtain them almost systematically when young and slender whereas men are hired at any age and in any shape. This dual job market is reinforced by gender inequalities in representations, especially as fictional couples usually unite an actress with a much older actor playing her ranking officer. The body has a central position in this system of asymmetries and this thesis uses multivariate instruments to describe the people, in particular to explore ethnoracial categorizations in an intersectional perspective. Women are highly eroticized through a large set of techniques (bare skin, heels…), which confirms the existence of a « male gaze » as an additional gendered inequality. Whereas the policewomen in the series do not particularly differ from the policemen in terms of professional ability and heroization – they have the same ranks and use weapons and physical violence in similar ways – women are strongly distinguished from the policemen by a series of inequalities. Even though the policewomen are accomplished professionals, and notwithstanding the diversity of the men and women, there is no « gender reversal » nor any disappearance of the categories of femininity and masculinity, but rather a reshaping of the gender order.
Abstract FR:
« L’accès des femmes à la violence légale » dans la police est symbolique d’un progrès de l’égalité professionnelle et d’une évolution des normes de genre. En outre, les séries policières sont un programme populaire par excellence et omniprésent dans la programmation de Prime Time, ce qui en fait un observatoire privilégié de ces évolutions. Cette thèse étudie la représentation des policières dans un corpus de 36 séries diffusées en France, l’approche socio-démographique permettant notamment une analyse longitudinale des évolutions de cette population particulière au fil des saisons. La thèse repose notamment sur le concept de HST, « Héros de Série Télévisée », entité hybride qui combine des caractéristiques du personnage et de son interprète. C’est d’abord une forte asymétrie de genre qui structure le corpus : les femmes ont moins de rôles que les hommes, les occupent moins longtemps, y accèdent presque systématiquement jeunes et minces alors que les hommes sont recrutés à tout âge et avec toutes les silhouettes. Ce marché du travail dual se double d’inégalités de genre, en particulier les couples fictionnels unissent généralement une actrice avec un acteur beaucoup plus âgé qu’elle incarnant un supérieur hiérarchique. Le corps occupe une place centrale dans cette asymétrie, et pour le décrire un appareil multivarié a été déployé, notamment pour approfondir la catégorisation ethno-raciale sans la réifier, dans une perspective intersectionnelle. Les femmes sont fortement érotisées par différentes techniques (dénudement, talons...), confirmant dans l’ensemble l’hypothèse d’un « male gaze » qui ajoute une nouvelle inégalité de genre. Les policières de séries ne se distinguent pas des hommes en revanche, ni par les grades qu’elles occupent dans la hiérarchie, ni par leur recours aux armes et à la violence physique. Elles ne sont pas moins héroïsées que les HST hommes. Dans l’ensemble, bien qu’elles soient des policières accomplies les femmes sont largement distinguées des hommes par une série d’inégalités, même si la diversité entre femmes et entre hommes ne doit pas être négligée. On ne peut donc parler d’une « inversion du genre » ou d’une disparition des catégories de féminité et de masculinité, mais plutôt d’une recomposition de « l’ordre de genre ».