La médicalisation de la fatigue et du stress : la sociogénèse de la notion de mauvaise fatigue
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Paris 5Disciplines:
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Il est de plus en plus courant aujourd'hui de se plaindre d'une "mauvaise fatigue" dont seraient responsables les conditions de vie modernes. Les représentations sociales à l'origine de tels discours peuvent être comprises dans le cadre conceptuel du processus de civilisation défini par Elias ; l'autocontrôle des émotions et les nouvelles régulations s'accompagnent d'une individualisation et d'une autonomie qui rendent plus sensibles les défaillances individuelles. Les premières catégories à entrer dans ce processus sont le plus souvent situées en haut de l'échelle sociale et la conscience d'endosser de nouvelles valeurs les poussent à se distinguer des catégories inferieures. Le discours sur la mauvaise fatigue est à la fois un moyen de donner un sens aux souffrances nées de contraintes sociales qui ne sont pas encore vécues comme "naturelles", un vecteur de nouvelles normes, et une façon de se distinguer. Dans ce cadre, la médicalisation de la fatigue résulte de la rencontre entre les stratégies de spécialisation de certains médecins ou psychologues et les besoins d'une catégorie sociale particulière devant s'adapter à de nouvelles formes d'interdépendances. Une étude historique sur la sociogenèse de la notion de mauvaise fatigue - de l'acédie au moyen Age au stress contemporain - et une recherche menée à partir de près de 200 entretiens sur la constitution de la fatigue au travail comme problème médical permettent de vérifier ces hypothèses. L'exemple de l'épuisement professionnel des infirmières, notamment, montre comment le discours sur la fatigue exprime une demande de reconnaissance tout en étant le support d'une stratégie de professionnalisation soutenue par les élites de la profession ; ce discours représente enfin un moyen pour les directions de gérer les problèmes liés à la transformation du métier et aux conditions de travail a un niveau essentiellement individuel : gestion du stress, formation au travail relationnel, etc.