La fabrique sociale du patient autonome : développer et mettre en oeuvre l'éducation du patient diabétique en France
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
For more than ten years, therapeutic patient education programs have been rationally organizing the acquisition of skills and knowledge by people with a chronic disease, with autonomy being described as the goal of this process. Focusing on educational programs dedicated to people with diabetes, this thesis aims to understand what the medical institution does when it seeks to produce an "autonomous patient" and how it proceeds to do so. The research is based on different kind of materials: a corpus of written sources (diabetes textbooks, books and articles on patient education, dedicated journals), data from observations conducted during three therapeutic education programs for people with diabetes between December 2017 and May 2019 and lastly interviews (73 overall) with pioneers in patient education, professionals in charge of conducting the programs, and patients who participated in them. The thesis first uncovers the historical conditions that enabled the medical institution to invest in patient education. In spite of its recognition as "programs" and growing support from public authorities, all studied programs show signs of weakness that complicate their daily implementation. Nonetheless, they are contributing to a new way of governing patients’ conducts that is based on pedagogy rather than coercion. Whether or not based on hospitalization, educational programs adopt a school-based mode of socialization, breaking with the simple transmission of information within the doctor-patient relationship. By learning to consider long-term complications of diabetes as predictable and avoidable events, people with diabetes are encouraged to manage their disease by adjusting their daily behavior in a preventive perspective, which presupposes some learning beforehand. However, such a perspective is based on a socially situated relationship to health. The thesis thus sheds light on the influence of educational programs on social health inequalities, particularly significant in the case of diabetes. Working class patients have to make the greatest efforts to comply with medical recommendations made during programs, while they are also the least likely to benefit from the learning process, due to their lower exposure to the school form. Self-management of the disease then appears to be not only the product of institutional socialization, but also an ideal that is more easily achievable for patients who possess enough cultural, social and economic resources.
Abstract FR:
Développés depuis plus de dix ans, les programmes d’éducation thérapeutique du patient organisent rationnellement l’acquisition de compétences et de connaissances par les personnes atteintes d’une maladie chronique dans le but de favoriser leur autonomie. En prenant pour objet les programmes destinés aux personnes diabétiques, cette thèse cherche à comprendre ce que l’institution médicale fait lorsqu’elle entend produire un « patient autonome » et de quelle manière elle procède pour y parvenir. La recherche s’appuie sur l’analyse de matériaux divers : un corpus de sources écrites (manuels de diabétologie, ouvrages et articles sur l’éducation du patient, revues spécialisées), des observations menées lors de trois programmes d’éducation thérapeutique à destination des personnes diabétiques entre décembre 2017 et mai 2019, et des entretiens (73 au total) avec des pionniers de l’éducation du patient, des professionnels chargés de dispenser les programmes et des malades qui y ont participé. La thèse met d’abord au jour les conditions historiques qui ont rendu possible l’investissement de l’institution médicale dans l’éducation du patient. En dépit de sa reconnaissance sous la forme de « programmes » et d’un soutien croissant des pouvoirs publics, le dispositif étudié présente des signes de fragilité qui compliquent sa mise en œuvre quotidienne. Il n’en participe pas moins d’un nouveau mode de gouvernement des conduites dont le principal ressort est la pédagogie plutôt que la coercition. Qu’ils reposent ou non sur l’hospitalisation, les programmes éducatifs adoptent un mode scolaire de socialisation, rompant avec la simple transmission d’informations au sein de la relation médecin-malade. En apprenant à envisager les complications à long terme comme des évènements prévisibles et évitables lors des programmes, les personnes qui y participent sont encouragées à déployer quotidiennement un travail de gestion de la maladie dans une logique préventive, travail qui repose sur différents apprentissages. Or, une telle logique repose sur un rapport à la santé socialement situé. La thèse permet ainsi d’éclairer l’influence des programmes éducatifs sur les inégalités sociales de santé, particulièrement importantes dans le cas du diabète. Les malades issus des classes populaires doivent fournir les efforts les plus importants pour se conformer aux recommandations formulées pendant les programmes, alors même qu’ils sont aussi les moins susceptibles de bénéficier des apprentissages dispensés, en raison de leur plus faible exposition à la forme scolaire. La gestion « autonome » de la maladie apparaît alors non seulement comme le produit d’une socialisation institutionnelle, mais aussi un idéal plus facilement atteignable pour les malades les mieux dotés en ressources culturelles, sociales et économiques.