Abstract FR:

Cette thèse a pour objet la socialisation professionnelle des surveillants de prison. Depuis 2002, le tiers des effectifs du personnel de surveillance, soit environ 6000 individus, a été renouvelé par concours. Cette politique de recrutement ambitieuse fait écho à une volonté de professionnalisation qui s’est déployée dans deux directions : la formation initiale, via l’aménagement des contenus de formation et le rapprochement avec l’université ; la féminisa-tion, avec l’abandon des quotas de sexe aux concours et l’affectation des surveillantes en dé-tention masculine. Plutôt que d’en faire un moment de construction identitaire qui, saisi à son terme, se solderait par l’adéquation entre des individus et des rôles, cette thèse considère la socialisation profes-sionnelle des surveillants de prison comme un processus marqué par des tensions irréducti-bles. Signes de la difficulté de l’institution carcérale à promouvoir en son sein une réforme d’ampleur, ces tensions agissent à trois niveaux : la manière de concevoir la professionnalisa-tion du métier de surveillant (tension entre les arbitrages politico-administratifs et les régula-tions organisationnelles locales), le degré d’adhésion aux rôles prescrits (tension entre les op-tions politiques de l’institution et les trajectoires biographiques et professionnelles des nouvel-les recrues), la construction d’une professionnalité autonome (tension entre l’expérience des surveillant-e-s au travail et les formes de régulation prévalant en détention). Ces conclusions sont étayées par des observations menées lors de la formation et par la conduite d’une centaine d’entretiens dans quatre établissements.