thesis

Dire et faire communauté en diaspora : le cas de l'immigration yéménite en Angleterre (1950-2015)

Defense date:

Nov. 20, 2020

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Institution:

Paris, EHESS

Disciplines:

Abstract EN:

The purpose of this thesis is to understand the mechanisms of community building within the Yemeni diaspora of England. It covers a period beginning in the 1950s with the immigration of Yemeni workers employed in English industry. It ends at the beginning of 2015, just before Saudi Arabia and the United Arab Emirates launched the war called “decisive storm” against Yemen.By conducting a field survey in the main centers of settlement of Yemeni immigration in England, namely Birmingham, Sheffield and to a lesser extent London, I became interested in the processes of identification of the individuals and groups met, in what they define as a Yemeni community in England. I therefore question the concept of “community” from a case that is both little explored by contemporary scientific production, and singular by the great plurality of appropriations and definitions that it covers.As one of the first migratory movements from southern countries to settle in the United Kingdom, the Yemeni diaspora is however absent from ethnic statistics. Its members are aware of the invisibility of their group in the English public space. Without official representation, “saying and making community” therefore responds to the challenge of building a unitary identity and defending common interests. On the one hand, the affirmation of belonging to Yemen contributes to the production of speeches and practices relating to the representation that Yemenis have of their group in England. On the other hand, the community takes shape through the establishment of cultural associations and services. Their leaders, like Yemeni politicians, are trying to impose on Yemenis in the diaspora their own conception of what the Yemeni community should be like in England. This power is based sometimes on the preservation of the Yemeni community against the intrusion of British values, sometimes on the questioning of the unicity of this community.Indeed, the Yemeni political context still determines the relationships within these migratory groups. The political news of Yemen remains burning since the independence of the South and the fall of the imamate in the North in the sixties: it is crossed by several armed conflicts between the North and the South and repeated episodes of civil wars. These conflicts test relations between Yemenis in England, constantly reactivate political issues and produce fluctuating power struggles between northern and southern diaspora groups. They help to reconfigure and challenge the narrative around the unity of the Yemeni community, leading people to redefine their affiliations and self-perceptions. They also transform transnational political practices of solidarity towards Yemen.My thesis demonstrates that the processes of building a Yemeni belonging in England are worked by dynamic and entangled British, Yemeni and diasporic socio-historical contexts. These contexts will permanently restructure the community and lead to updating the relations of the diaspora to its country of origin over the long time of immigration

Abstract FR:

Cette thèse a pour objet la compréhension des mécanismes de construction communautaire au sein de la diaspora yéménite d’Angleterre. Elle couvre une période qui débute dans les années 1950, avec l’immigration d’ouvriers yéménites employés dans l’industrie anglaise. Elle s’arrête au début de l’année 2015, juste avant que l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis ne déclenchent contre le Yémen la guerre appelée « tempête décisive ».En menant une enquête de terrain dans les principaux foyers d’installation de l’immigration yéménite en Angleterre, à savoir Birmingham, Sheffield et dans une moindre mesure Londres, je me suis intéressé aux processus d'identification des individus et des groupes rencontrés, à ce qu’ils définissent comme communauté yéménite en Angleterre. J'interroge donc le concept de « communauté » à partir d’un cas à la fois peu exploré par la production scientifique contemporaine, et singulier par la grande pluralité des appropriations et des définitions qu'il recouvre.Faisant partie des premiers mouvements migratoires provenant des pays du Sud à s’installer au Royaume-Uni, la diaspora yéménite est pourtant absente des statistiques ethniques. Ses membres sont conscients de l’invisibilité de leur groupe dans l’espace public anglais. Sans représentation officielle, le « dire et faire communauté » répond donc à un enjeu de construction d’une identité unitaire et de la défense d’intérêts communs. D’une part, l’affirmation d’une appartenance au Yémen contribue à la production de discours et de pratiques relatifs à la représentation qu’ont les Yéménites de leur groupe en Angleterre. D’autre part, la communauté prend corps par l’institution d’associations culturelles et de services. Leurs dirigeants, tout comme des cadres politiques yéménites, tentent d’imposer aux Yéménites de la diaspora leur propre conception de ce que doit être la communauté yéménite en Angleterre. Ce pouvoir s’appuie tantôt sur la préservation de la communauté yéménite contre l’intrusion des valeurs britanniques, tantôt sur la remise en question de l’unicité de cette communauté.En effet, le contexte politique yéménite détermine toujours les relations au sein de ces groupes migratoires. L’actualité politique du Yémen reste brûlante depuis l’indépendance du Sud et la chute de l’imamat au Nord dans les années 1960 : elle est traversée par plusieurs conflits armés entre le Nord et le Sud et des épisodes répétés de guerres civiles. Ces conflits mettent à l’épreuve les relations entre les Yéménites d’Angleterre, réactivent constamment les enjeux politiques et produisent des rapports de force fluctuant entre groupes nordistes et sudistes de la diaspora. Ils contribuent à reconfigurer le récit autour de l’unité de la communauté yéménite et le remettent en question, en conduisant les personnes à redéfinir leurs appartenances et leurs perceptions de soi. Ils transforment aussi les pratiques transnationales politiques de solidarité en direction du Yémen.Ma thèse démontre que les processus de construction d’une appartenance yéménite en Angleterre sont travaillés par des contextes sociohistoriques dynamiques et intriqués britannique, yéménite et diasporique. Ces contextes vont en permanence restructurer la communauté et conduire à réactualiser les relations de la diaspora à son pays d’origine sur le temps long de l’immigration.