Des classes populaires à la lisière du salariat : une analyse des bûcherons entre emploi, marché et stratification sociale
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
Whereas most workers became salaried during the 20th century, lumberjacks have stayed on the margins of the wage system: in France, today, a lumberjack is usually a self-employed or piece-worker. The activity of lumberjacks thus highlights a theoretical tension: it is a manual job but it is practiced outside of the wage model. The goal of my thesis is to determine the conditions under which such a self-employed sector of the labor market can offer stability to working-class men in the working world. To this end, I conducted a localized analysis of forms of employment, market mechanisms and class relations from the point of view of both employers and workers. This research is based on quantitative and qualitative analyses of data collected during a six-year long fieldwork in a French rural region. This mixed-method strategy offers an opportunity to reflect on the possibility of the quantitative analysis of ethnographic material. The thesis identifies the various forms of subcontracting and highlights the role of the "capital of autochtony" (capital d'autochtonie) in the segmentation of the labor market: the hardest work is outsourced via the import of (often foreign) workers, allowing some independent lumberjacks to achieve economically stable positions despite the insecurity of their status. This research examines the effects of the distance from the wage system on the social trajectories of working-class men: being a self-employed lumberjack enables them to capitalize on distinctive resources at a time when the local labor market offers little prospect of upward mobility. Thus, I show the interest there is to consider these effects as a result of market mechanisms as well as class relations in a localized social space.
Abstract FR:
Alors que l'essentiel de la main-d'œuvre ouvrière a été intégrée au salariat au cours du 20e siècle, les bûcherons en sont comme restés à la marge : aujourd'hui, en France, un bûcheron est le plus souvent salarié à la tâche ou entrepreneur de travaux forestiers. Le bûcheronnage soulève ainsi une tension : c'est un travail manuel et subalterne mais il est exercé en dehors du modèle salarial. Il s'agit ici d'envisager sous quelles modalités un tel marché du travail indépendant peut offrir à des hommes issus des classes populaires la perspective d'une place stabilisée dans le monde du travail. A cette fin, la thèse conduit une analyse conjointe et localisée des formes d'emploi, des mécanismes de marché et des rapports de classe et ce, du point de vue des entreprises et des travailleurs. Cette recherche s'appuie sur des traitements quantitatifs et qualitatifs de données issues d'une enquête de terrain menée durant six ans dans une région rurale française. Elle offre également l'occasion de réfléchir aux conditions de l'exploitation quantitative d'un matériau ethnographique. La thèse dégage les conditions d'un recours aux différentes formes de sous-traitance et met en évidence le rôle du capital d'autochtonie dans la segmentation du marché du travail forestier: les travaux les plus durs sont délocalisés via l'importation de main-d'œuvre, ce qui permet à certains bûcherons indépendants d'atteindre des positions économiquement stables malgré l'insécurité de leur statut. Elle examine les effets de la distance au salariat dans les trajectoires d'hommes issus des fractions stabilisées des classes populaires : le bûcheronnage à son compte permet de valoriser professionnellement des ressources distinctives quand l'emploi local offre peu de perspectives d'ascension. Ainsi, la thèse montre l'intérêt qu'il y a à considérer ces effets comme le résultat croisé de mécanismes de marché et d'enjeux de définition des statuts sociaux dans un espace social localisé.