Entre contraintes et interstices, l'évolution des projets migratoires dans l'espace transnational : une ethnographie des migrants de Chine du Nord à Paris
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
There has been a new wave of Chines arrivals since the end of the 1990s in France. These migrants are different from the typical figure of economic migrants and the majority of Chinese already settled in France. Most are middle-aged city dwellers who used to belong to middle stratum of rather privileged state enterprise employees and entrepreneurs in northern China. A majority (70%) is female, mostly divorced. They had to leave China as their privileged social status came under threat by the new elite supported by the government. Based on a longitudinal ethnographic work in France and in China, this study traces these migrants' trajectories long before their departure and analyses their motivations for leaving China temporarily. Focusing on the shifting of their migration projects provides an insight into the ways they handle tensions and adapt to macro and meso structural constraints either those resulting from economic reforms in China or from their irregular status in France. In the process they do not give up their individual or family expectations. In France, their social and professional careers reflect the tensions among Mandarin speakers' networks. Processes of marginalization and othering lead to their integration at the very bottom of these networks' social hierarchies. This situation raises question about the existence of a Parisian 'Chinese community' and 'Chinese diaspora'. Power relations and groups' dynamics in the migration context and dynamics of exclusion resulting from French legislation, give rise to two cumulative processes leading to a sharp reversal of previous hierarchies : deskilling and ascription of gendered stereotypes to migrants. Indeed, migrants' trajectories reveal a drastic sexual division of labour but also in the same time resourceful tactics with which they invest margins of French society. They have to adapt to new gender norms, both among the Mandarin speakers networks and in the French society. Women have hardly other alternative but to work in the domestic sector and some of them turn to prostitution or marry a local. In spite of their limited social mobility they find resource in a transnational social field. It helps them resist different forms of downward social mobility, either in China or in migration. The construction of strategic multi-positionality attests to the agency of North Chinese migrants in Paris.
Abstract FR:
Les Chinois du Nord arrivés à Paris à la fin des années 1990 présentent des caractéristiques atypiques et se démarquent du profil « classique » des migrants économiques comme de celui des Chinois du Sud, majoritaires en France. Ces urbains quadragénaires -dont 70 % sont des femmes, surtout divorcées - ont quitté le pays où ils étaient en passe de perdre leurs statuts favorisés en tant qu'employés et cadres des entreprises d'Etat ou entrepreneurs. A travers les récits de vie recueillis au cours d'un terrain ethnographique mené en France et en Chine sur une période de dix années de 2004 à 2014, ce travail retrace leurs parcours bien avant leur départ et analyse leurs raisons de migrer temporairement et de manière isolée. Le suivi des modifications de leurs projets migratoires sous-tend l'analyse et permet de tenir compte des différents niveaux de tensions provenant des contraintes macro et méso structurelles liées aux réformes en Chine puis à leur statut de migrants allophones sans-papiers en France, comme des attentes familiales ou individuelles. En France, leurs parcours professionnels et sociaux dans le sas d'entrée offert par les réseaux sinophones soulignent les tensions entre migrants chinois. Les processus de différenciation et de relégation qui sont à l'origine de leur insertion au plus bas des hiérarchies sociales propres à ces réseaux, amènent à interroger l'idée de communauté chinoise à Paris et de diaspora. Les dynamiques de pouvoir, de structuration des groupes en migration et les effets d'exclusion provenant des structures légales françaises, articulent les processus de déqualification et d'assignation à des critères de genre et sont à l'origine d'un renversement des hiérarchies sociales en migration. Les parcours se caractérisent par une division sexuelle du travail mais également des tactiques de débrouillardise lorsqu'ils investissent les marges de la société française. L'apprentissage de nouvelles normes de genre, propres aux réseaux chinois et à la société française, amène en particulier les femmes vers les emplois du care (domesticité, prostitution), ou le mariage avec un homme local. Malgré une mobilité sociale limitée, la construction d'identités transnationales leur permet de résister aux différents types de déclassement à la fois en Chine et en migration et témoigne de leurs capacités d'agency.