Les suicides d'appelés dans l'armée de terre grecque : étude d’un fait social au prisme des institutions totalitaires et de l’ordre sexué
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Completing their nine-month military service is a legal obligation for young Greek men. Conscription is an essential step in Greek men’s social life: after being released from the army, they are socially validated as independent adult males, who are ready to find stable employment and to start a family. Nonetheless, a good number of conscripts take their own lives during military service. This PhD thesis examines the taboo phenomenon of suicide, which is highly paradoxical. Indeed, how can an institution claiming to make ‘real men’ and prepare them for civilian life can at once trigger suicidal behaviour? Drawing from a plurality of methodologies, this study uses a mosaic of complementary data to analyse the phenomenon, including semi-structured interviews with conscripts (among whom conscripts having attempted suicide, officers and sub-officers who experienced a conscript’s suicide, parents whose sons took their own lives, military psychiatrists, militants and journalists), an analysis of available statistical data on suicide from a variety of sources, as well as newspaper articles and military archives, and finally, the author’s participant observation during her internship is one of Greece’s three military hospitals. Taking its inspiration from the Durkheimian concept of suicide as social fact, the analysis relies upon the theory of gender relations and Goffman’s framework of total institutions. This thesis therefore stands at the crossroads of a sociology of suicide, a sociology of the army and a sociology of gender to throw light both on the root causes of suicide in the army and on the institution’s approaches to tackling suicide.
Abstract FR:
Le service militaire d’une durée de 9 mois constitue une obligation légale pour les jeunes hommes grecs. Cette conscription constitue une étape incontournable dans la vie sociale des Grecs: après le service, les jeunes sont considérés comme des hommes socialement validés, prêts à trouver un emploi stable et à fonder une famille. Toutefois, il s’avère qu’un nombre important de conscrits se suicident durant le service. Ce phénomène tabou relève d’un paradoxe: comment une institution qui prétend fabriquer les «vrais» hommes et les préparer à la vie civile peut-elle provoquer des comportements suicidaires? Par le choix (et la nécessité) d’une méthodologie plurielle permet d’analyser ce fait: entretiens semi-directifs de conscrits, parmi lesquels des appelés ayant fait une tentative de suicide, d’officiers et de sous-officiers de carrière qui ont vécu le suicide d’un appelé, de parents dont le fils s’est suicidé durant son service militaire, de psychiatres militaires, de militants et de journalistes; analyses des statistiques disponibles venant de sources multiples; analyse de contenu d’articles de presse et d’archives militaires; enfin, observation participante réalisée au cours d’un stage de trois mois dans l’un des trois hôpitaux militaires du pays. Inspirée par l’approche durkheimienne étudiant le suicide comme un fait social, l’analyse s’appuie sur la théorie des rapports sociaux de sexe et sur le concept d’institution totalitaire. Cette thèse se situe ainsi au croisement d’une sociologie du suicide, d’une sociologie de l’armée et d’une sociologie du genre pour éclairer à la fois les causes du suicide dans l’armée et le traitement social qui en est fait par l’institution.