thesis

Mouvements sociaux et internet en Inde : stratégies de visibilité médiatique et d'intégration à l'espace public. Le cas du mouvement dalit.

Defense date:

Feb. 1, 2019

Edit

Institution:

Paris, EHESS

Disciplines:

Abstract EN:

With more than twenty-five million internet users and an average growth-rate of 40% per year, India became in 2012 the world's third largest digital market as well as one of the youngest with 75% of its internet users aged between fifteen and thirty-four. The successive governments have been well aware of the key importance of this trend and did not hesitate to raise the new information technologies as the banner of a “Shining India”. NICTs tend to transform the media landscape and to shape new ways of entering the public space. However, the impact of the “new media” on Indian society has yet to be fully analyzed. This PhD dissertation seeks to apprehend the way the internet contributes to shaping new organisation strategies among Indian social movements, from their collective actions to their visibility strategies. Our research focuses on the dalit movement, which is led by and for the populations who used to be designated as “untouchables”, and corresponds to what Nancy Fraser defined as a “subaltern counter-public”. This reflexion lies at the crossroads of the sociology of social movements and media analysis. It implies a specific fieldwork approach, equally based on two different territories that follow different space and time-relationship patterns: in India, online and off-line.This methodology enables an observation of the complex relationship between dalit activists and the mainstream media, marked by mistrust and exclusion. Then, we focus our analysis on a new emerging elite within these groups that have gradually invested the Internet since the early 2000s, as an extension of their media community. This dissertation is centred on a small group of social actors and their militant activities from 2002 to present day. It thus highlights the structuration a new activist network evolving between two spaces led by sometimes antagonistic logics, and its internal dynamics: the construction of an identity and renewed discourses, despite being a geographically scattered community.Little by little, new leaders have emerged within this group in which the notion of “influence” has become more important than that of “representation”. Our observations show where the tensions lie within this community, facing several struggles to be coherent and cohesive.These issues weigh particularly on the shoulders of the spokesmen of the community, who consider that the construction of a new identity and stigma reversals lie at the heart of their approach. For some of them, their new position as “organic intellectuals” appears to be both an ethical and ideological aporia. Beyond the Indian case, these individual journeys - and the very high level of reflexivity produced by these activists - are a testimony to the fact that analysing the relationship between social movements and the media is an unequalled opportunity to probe the contemporary evolutions of public space, between integration and fragmentation.

Abstract FR:

Avec plus de cent vingt-cinq millions d’utilisateurs et un taux de croissance d’environ 40 % par an, l’Inde est devenue en 2012 le troisième marché numérique mondial et l’un des plus jeunes, avec environ 75% des internautes âgés de quinze à trente-quatre ans. Les gouvernements successifs ont d’ailleurs été conscients de l’importance des enjeux qui y sont liés et n’ont pas hésité à faire des nouvelles technologies l’étendard de « l’Inde qui brille ». Les nouvelles technologies d’information et de communication transforment par ailleurs le paysage médiatique et les voies d’accès à l’espace public. Malgré cela, l’impact de ce nouveau média sur la société indienne demeure peu étudié. Ce travail de thèse s’attache à comprendre la façon dont l’essor d’internet a contribué à façonner de nouveaux modes d’organisation des mouvements sociaux en Inde, des actions et mobilisations collectives à leur stratégie de visibilité. La recherche se focalise plus précisément sur le mouvement dalit, porté par et pour les populations anciennement désignées comme « intouchables », et qui correspond à ce que Nancy Fraser a désigné comme un contre-public subalterne. Cette réflexion se situe au croisement de la sociologie des mouvements sociaux et de la sociologie des médias, et repose sur une approche de terrain double, construite entre deux territoires régis par des rapports différents à l’espace et au temps : en ligne, et hors-ligne, sur le terrain, en Inde.Cette démarche a permis d’observer le rapport complexe entre les militants dalits et les médias de masse indiens, marqué par la défiance et l’exclusion, avant de nous concentrer sur l’analyse d’une nouvelle élite au sein de ces groupes, qui au tournant des années 2000 a peu à peu investi internet comme un prolongement de son activité médiatique communautaire. Centrée sur un groupe resserré d’acteurs et leurs activités militantes depuis 2002, cette thèse met en exergue la façon dont s’est structuré un nouveau réseau militant, à cheval entre deux espaces aux logiques parfois antagonistes, et les dynamiques internes qui y ont été initiées : une nouvelle identité et des discours renouvelés, malgré l’éclatement géographique de cette communauté. Peu à peu, de nouveaux leaders ont émergé au sein de ce groupe dans lequel les logiques d’influence ont pris le pas sur celles de la représentation ; nos observations donnent à voir les points de tensions qui le traversent, pour maintenir une cohérence et une cohésion interne. Ces problématiques pèsent en particulier sur les porte-paroles qui placent la construction d’une nouvelle identité et le retournement du stigmate au cœur de leur démarche. La position d’intellectuel organique qui leur est désormais attribuée apparait à certains comme une aporie à la fois éthique et idéologique.Au-delà du cas indien, ces parcours - et la très grande réflexivité produite par ces militants – témoignent du fait que l’analyse des rapports entre mouvements sociaux et médias est une opportunité inégalée de sonder les évolutions contemporaines de l’espace public, entre intégration et fragmentation.