L'Arrangement normatif : ou comment arranger et s'arranger avec les "anciennes" et les "nouvelles" manières d'être ensemble, en Tunisie d'aujourd'hui
Institution:
Université Marc Bloch (Strasbourg) (1971-2008)Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
What do we make of those new “things” of outlandish (not only) origin we call “modern” and that, having caused neither waves nor revolt, end up incrusted in our ways of life and being together? I am fond of the following illustration, taken from everyday familial life and the father-daughter relation in Tunisia: a father presumes, imagines or knows his daughter could very well meet boys each time she goes out of the house, yet as long as he does not actually see her doing it, or as long as any third party doesn't come over to tell of her “doubtful” behaviour, he acts just as if it could never occur to her to meet boys. The example illustrates a way of composing, and composing with, norms, without ever questioning their legitimacy or validity, or renouncing to individual aspirations. “Norm-composing” situations are essentially nowadays the outcome of great changes in the Tunisian private space, especially the growing implication of the individual in front of the group domination, which leads social leaders to compose with change without ever abandoning the essence of their legitimacy and the basis of their status. The last remark underlines a contradiction and rift between universally accepted and defended norms and a swiftly changing context. How do individuals give sense to it? Of What kind of “misfunction” or “unbalance” would it be the expression? How do they adapt (or do not adapt) to it?
Abstract FR:
Que faisons-nous avec ces nouvelles “choses” qui nous viennent de l'extérieur (mais pas seulement) que nous appelons modernes et qui arrivent à s'incruster et à trouver ancrage dans nos manières d'être et de vivre ensemble sans créer de vagues et encore moins de révoltes ou de révolutions ? Je me plais, pour illustrer ce questionnement, à donner l'exemple suivant, puisé dans la quotidienneté de l'espace familial tunisien et concernant les rapports père / fille : Un père présume, imagine ou sait que sa fille pourrait potentiellement rencontrer des garçons chaque fois qu'elle sort de la maison, mais tant qu'il ne l'a pas vu faire ou tant qu'un tiers n'est pas venu lui rapporter sa conduite “douteuse”, il fait comme s'il n'arrivait jamais à sa fille de rencontrer les garçons. De même, la fille, de son côté, fera “tout” pour éviter de mettre son père dans une position où il risquerait de perdre la face, sans pour autant s'interdire des éventuelles rencontres avec les garçons. Cet exemple vient illustrer les manières d'arranger les normes et de s'arranger avec elles, sans, à la fois, mettre en cause la légitimité et la validité de ces normes ni renoncer à des aspirations individuelles. Les situations d'arrangement normatif seraient essentiellement le résultat des bouleversements qui s'opèrent de nos jours dans l'espace privé tunisien, notamment l'émergence grandissante de l'individu face à la domination du groupe, amenant les dépositaires de l'autorité sociale à s'accommoder des changements sans pour autant abandonner l'essentiel de ce qui fait leur légitimité et l'assise de leurs statuts. Ce qui n'est pas sans déboucher sur de la contradiction et du décalage entre des valeurs et des normes admises et défendues d'une manière commune et un environnement objet de rapides changements. Comment les individus donnent-ils du sens à ce décalage ? De quel “dysfonctionnement” et de quel “déséquilibre” serait-il l'expression ? Comment s'en accommodent-ils (ou pas d'ailleurs) ?