Abstract FR:

La reference a la situation du travail au XIXe siecle se rencontre couramment dans la litterature economique et sociologique contemporaine, sans qu'elle donne lieu pour autant a une veritable explicitation. Elle semble organisee autour de deux idees principales : on serait sur le marche du travail en presence d'un espace concurrentiel liberal, vierge de toute contrainte, sur lequel s'opererait la reduction du travail a l'etat de marchandise ; tandis que l'entreprise est, inversement, presentee comme le lieu d'une discipline extremement contraignante, excluant interpretation ou negociation des regles imposees. Les reglements d'atelier qu'edictent unilateralement les patrons sont generalement consideres comme l'expression privilegiee de cette mise en ordre autoritaire du travail. L'etude des formes variees de la dependance et de la subordination au travail au xixe siecle, menee a l'aide de la sociologie des configurations d'interdependance d'elias - du travail dit independant au travail salarie en passant par differentes "fabriques collectives", le salariat perd le caractere d'evidence qu'il a pour nous - montre comment s'articulent finement a cette epoque une coordination marchande et une coordination par les regles. La mise en ordre du travail subordonne passant bien souvent par des reglements d'atelier, un materiau original important a pu etre intensivement exploite : on y lit l'etendue des exigences patronales a l'egard des ouvriers, l'entreprise de socialisation qu'ils mettent en oeuvre, la puissance de leur tentative de rationalisation de la domination, la constitution et la diffusion progressives d'une norme de travail appelee a definir le salariat. . . Mais aussi, en creux, l'indiscipline persistante, l'incertitude irreductible qui affecte l'interpretation et l'application des regles, les degres de liberte que se donnent les ouvriers contre ou meme dans les regles. . . Toutes choses qui empechent la reduction de la relation de travail a une relation marchande.