Lire : enquete sur la pluralite des mondes de la lecture
Institution:
Paris 8Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Pas de résumé disponible.
Abstract FR:
S'appuyant d'abord sur un corpus de donnees statistiques qu'elle a retraite par l'analyse des correspondances, puis sur un choix d'enquetes qu'elle reinterprete, l'auteur procede en trois etapes : 1) prendre une vue d'ensemble sur la lecture et la frequentation des bibliotheques (a la fois plus repandues sur un mode extensif et moins souvent intensives qu'on ne le croit), 2) delimiter le ressort des etudes sur les preferences entre genres et critiquer leurs resultats, 3) situer la lecture parmi les loisirs preferes ou rejetes, parmi les pratiques -culturelles ou non, les modes de sociabilite, dans l'emploi du temps, comme tache professionnelle ; montrer qu'elle prend des formes propres aux cultures populaires a cote des formes referentielles, les plus visibles, inspirees par la culture cultivee. Retraiter les donnees de cette enquete a surtout servi a poser la question de ce en quoi on mutile la lecture en la traitant comme un simple choix de gout ou de plaisir -fut-il social. Dans la plupart des enquetes sur les preferences, en effet, on suppose la lecture offerte au choix de tous et l'on oublie que la possibilite de lire a ses limites : l'incapacite de lire (illetrisme), l'obligation de lire ("devoir d'etat" des professions intellectuelles, devo culturel de la "classe de loisir");de plus, les preferences sont d'un faible poids explicatif et n'agissent qu'apres le diplome et le statut social. Pour comprendre la lecture en sortant de la problematique du gout et en recourant a la culture (sens ethno. ), il a fallu la situer dans le mode de vie, par rapport a la sociabilite des pratiquants comme des non-pratiquants; si la lecture s'insere dans l'ensemble des pratiques culturelles, elle ne prend tout son sens que dans le mode de vie forge par les pratiques non-culturelles:quotidiennes ou exceptionnelles, de loisir ou de travail. La lecture tient parmi les taches professionnelles une grande place (cas extremes de gavage, nombre des professions concernees); de sa place au travail depend celle que la lecture occupe dans les loisirs. Ce n'est pas toujours au sommet de la hierarchie qu'on lit le plus (on compte labo de recherche et bureau) ; pour l'etudiant, le chercheur la lecture est preeminente : on etudie comment elle s'insere parmi les autres taches. Dans les classes populaires, il existe une diversite de manieres de lire, integrees a un style de vie particulier, different de celui des autres classes et qui mettent en place d'autres formes de lecture que celles des classes cultivees diffusees, elles, par l'ecole ; les facettes les plus typiques de la lecture populaire reposent sur l'aptitude a se guider sur des indices non-ecrits, le primat de l'appartenance au groupe et du contact, la valorisation du travail productif comme de l'oisivete et leur stricte distinction ; ces lectures, tres differenciees selon le statut social, sont niees car elles ne sont pa reconnues pour telles. Chacun des mondes de la lecture participe en fait plutot d'une des fonctions de celle-ci (technique, social ou symbolique) ; l'etude du gout vise la fonction sociale, celle du mode de vie, la fonction pratique. C'est qu'au contraire des autres pratiques culturelles, la lecture est une pratique symbolique dont peuvent se detacher les fonctions sociales et techniques -seule la lecture litteraire fonctionne comme une pratique culturelle ordinaire.