Abstract FR:

Il y a bientôt vingt ans, les sociologues annonçaient une révolution du temps choisi, tracant les contours d'une utopie qui offrirait à chacun de vivre autrement et de repenser la place du travail et des loisirs. Où en est-on de cet espoir placé dans le développement du temps choisi ? Ce travail visait à apporter quelques réponses à cette question. Ainsi, l'étude d'une catégorie de salariés qui avait le choix de travailler à temps partiel, se démarquant ainsi du modèle dominant du travail à temps plein, a permis d'engager une réflexion sur la capacité des individus à s'inventer un mode de vie alternatif entre travail, famille et loisirs. Les résultats montrent que l'expérience du temps partiel choisi s'avère en réalité fort hétérogène. Seule une minorité de femmes accèdent à une recomposition de leurs modes d'engagement dans le travail et le hors travail qui s'émancipe en partie des modèles culturels dominants. Débarrassée du poids des charges domestiques et se démarquant du modèle de surimplication temporelle dans le travail, la pratique du temps choisi peut alors favoriser une ré-appropriation du temps ainsi qu'une réconciliation des sphères de vie. Le temps libéré organise l'alternance entre un temps d'insertion professionnelle, un temps d'investissement familial et la redécouverte d'un temps pour soi. Il devient le support à l'affirmation d'un rapport alternatif au travail, dont la place est minorée et les modalités repensées, et au hors travail, qui ne se limite plus à l'économie domestique et s'ouvre sur le champ du loisir et des activités extra-professionnelles. Cette expérience marque la relativisation de la sphère du travail comme pôle d'ancrage unique de l'identité individuelle et sociale. Le travail voit sa place relativisée par rapport aux autres " intérêts de la vie ". Il cesse en partie d'être le lieu de socialisation principal et entre en concurrence avec d'autres scènes sociales.