Conditions d'émergence et de développement d'une sociologie spécialisée : le cas de la sociologie militaire aux États-Unis
Institution:
Paris 5Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
This intellectual and social history of American military sociology, broadly defined, covers a whole century (1892-1992). The analysis offered, seeking to account for variations over time, is based on a corpus of 4228 entries, and proceeds in terms of substantive categories, genres (engineering, independent endeavors, radical protests, contributions to ongoing societal debates), and "generalist" or "subject-specific" approaches. It reveals a rare production prior to 1941, followed by three periods dominated respectively by government-sponsored social engineering, independent investigation s, and contributions to debates (with radical writings ushering in transitions). Non-specific approaches are marked by longterm continuities: recurrent rationalist and irrationalist, realist and idealist, structural and symbolic treatments appear to validate Max Scheler's cognitive sociology thesis. However, by 1960 Morris Janowits's seminal sociology of military institutions is the locus of a conceptual breakthough grounded in the weberian tradition, strategic realism and chicago pragmatism. Following his charismatic lead, a school is founded which forms the first of the field's two nuclei. Despite attempts at reformulation, the paradigm is consolidated in the late seventies. Running counter to official positions, its influence is real on military and defense policy as well as on societal debates, and promises to survive the cold war's demise. The field's other center, to be found among political scientists specializing in strategic studies, takes shape after Vietnam. It is destined to converge with the janowitzian paradigm in the eighties, when institutional-symbolic dimensions are added to its prevailing structural approach. Such intellectual convergence is remarkable in that social communication between the two specialized networks is minimal.
Abstract FR:
Cette histoire intellectuelle et sociale de la sociologie militaire aux Etats-Unis couvre un siècle) 1892-1992). Suivant la pratique américaine, le champ y est défini de la manière la plus large. L’analyse, qui cherche à rendre compte de ses variations dans le temps, part d'un corpus de 4882 titres, et procède en termes de catégories thématiques, de genres (ingénierie, travaux indépendants, polémique, contributions à des débats de société) et d'approches, "généralistes" ou "spécifiques" (adaptées à l'objet par leurs postulats). Elle montre une production faible jusqu'en 1941, suivie de trois périodes ou dominent successivement ingénierie, travaux indépendants, puis contributions a des débats, le genre polémique servant de catalyseur aux transitions. Des continuités séculaires s'observent dans les approches non spécifiques, soumises à des balancements (traitements rationalistes et irrationalistes, réalistes et idéalistes, structurels et symboliques) semblant valider la vieille thèse de sociologie cognitive de Max Scheler. Toutefois, une percée conceptuelle intervient avant 1960 du cote de la sociologie des armées, à l'initiative de Morris Janowitz, lorsqu'émerge une approche spécifique qui emprunte à la tradition ibérienne et au pragmatisme de l'école de Chicago. Dans le sillage de cette œuvre fondatrice se constitue l'un des deux foyers d'un milieu spécialise indépendant. Malgré des remises en cause multiples, ce paradigme se consolide et influe, à compter de la fin des années 1970, sur les débats et la pratique : il semble devoir survivre au récent changement de contexte (après-guerre froide). Le second foyer, apparu après le Vietnam parmi les politistes spécialistes d'études stratégiques, finit par converger avec le premier en ajoutant aux analyses structurelles du système international la prise en compte des facteurs institutionnels et symboliques. Cette convergence intellectuelle est d'autant plus remarquable que les contacts sociaux entre les deux réseaux du milieu spécialisé sont des plus restreints.