Abstract FR:

Depuis pres de deux siecles, s'appuyant a l'origine sur les transformations profondes des liens que la societe entretient avec l'enfant, s'est constitue puis developpe un champ de l'enfance anormale. Au debut du 19eme siecle, la figure du sauvage de l'aveyron puis celle de l'idiot vont susciter, hors et dans l'asile, des mouvements d'appropriation et de repulsion. Ainsi, si itard et seguin introduisent les premiers essais de re-education, l'incurabilite de l'idiotie affirmee par la medecine mentale signe l'inutilite de toute tentative en ce sens. Cette incurabilite est confirmee par morel dont la theorie de la degenerescence justifie pour longtemps l'abandon de ces enfants a la charite des oeuvres privees. Oeuvres qui vont des lors occuper une place considerable dans les mecanismes de regulation du champ. La tentative, a la fin du siecle, de bourneville de tenter une rehabilitation de la prise en charge des enfants idiots et arrieres au travers d'un projet politique d'assistance generalisee se heurte a la montee en puissance de l'eugenisme auquel se rallie une fraction importante des hygienistes. Construite autour d'un paradigme: la rentabilite sociale des anormaux, la neuropsychiatrie infantile qui nait de ce consensus, se tourne vers le depistage et la prevention au detriment des pathologies les plus lourdes. L'avenement d'un secteur propre de l'enfance inadaptee, l'impossible gestation d'un intersecteur de psychiatrie infanto-juvenile temoignent d'une certaine persistance du paradigme meme si, sous le double effet de l'ideologie reeducative d'apres guerre et l'action des familles, la figure de l'idiot laisse la place a celle du travailleur handicape. La distance qui, en fait, separe ce dernier du monde des "normaux" apparait toujours aussi considerable.