Un salafisme kurde? Sunnisme protestataire et jihadisme en Iran, depuis 2001
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This thesis proposes to uncover the emergence and transformation of Kurdish Salafismthrough a historical sociology of discursive practices, with a particular interest in thechanges of the last two decades against the political background of the Islamic Republic ofIran. The author has been analysing the dynamics of the generational cleavage that emergedat the turn of the 21st century between an ‘old people's Islam’, predominantly Sufi, inherited from modern history, and an ‘Islam of the young’ often identified with Salafism. In an attempt to understand the reasons for this rupture, this study examines the socioeconomic and political contexts of two decades rich in facts and events (from the geopolitical aftermath of September 11 to the rise of social networks) that have deeply affected the interrelationships between political and religious spaces. In particular, it focuses on the production of new spaces in Kurdish society by a diversity of political and confessional actors.The survey is based on a variety of primary textual sources, on the activity ofKurdish Islamists on the Internet and in social networks, as well as on interviews withmembers of five distinct groups in Iran and Iraq: the Maktab-e Qor'an and the IranianSociety for Preaching and Reform, both of Muslim-Brother inspiration, the Yekgrtou Islamî,the Komeley Islamî and Kurdish jihadist Salafists of Iran, as well as with masters anddisciples of the historic Sufi Paths of the Qadiriyya and the Naqshbandiyya, all in elevendifferent locations in the Kurdish-majority districts of Iran and Iraq.Among the suggested conclusions: the importance of the impacts that the successivetransformations of the Iranian state, and more generally Middle Eastern modernities, havehad on the gradual transformation of the Kurdish religious field since the end of the Qajarperiod to the present – in particular on the emergence of movements claiming bothrationalisation and empowerment in relation to global society (an effort perceptible fromthe Maktab-e Qor'an in the late 1970s to a variety of current Salafisms). What is alsonoticeable – from the viewpoint of the gendered distribution of roles within thesemovements, especially – is a great continuity of authoritarian discourses, nourished by alegacy of coercion. Finally, the author insists on the need to take into account the complex and dynamic nature of the interrelationships between, on the one hand, the Islamists of a former tribal march of Iran, heirs, too, of the Kurdish nationalism developed in the second half of the 20th century, and, on the other hand, a Persian and Shiite Islamic Republic often tempted, over the course of forty years of history, to utilise to its profit confessional dissidence.
Abstract FR:
La présente thèse propose de mettre au jour l’apparition et la transformation d’un salafisme kurde, via une sociologie historique des pratiques discursives et avec un intérêt particulier pour les changements des deux dernières décennies dans le cadre politique particulier de la République islamique d’Iran. L’auteure y analyse les dynamiques du clivage générationnel apparu, au tournant du XXIe siècle, entre un “islam de vieux”, à dominante soufie héritée de l’histoire moderne, et un “islam des jeunes” souvent identifié avec le salafisme. Cherchant à comprendre les ressorts de cette rupture, cette étude interroge les contextes socioéconomique et politique de deux décennies riches en faits et événements (des lendemains géopolitiques du 11 Septembre à l’essor des réseaux sociaux) qui ont affecté les interrelations entre espaces politique et religieux. On s’y est penchée, en particulier, sur la production d’espaces neufs dans la société kurde par une diversité d’acteurs politico-confessionnels.L’enquête s’appuie à la fois sur une diversité de sources primaires textuelles, l’activitédes islamistes kurdes sur la Toile et dans les réseaux sociaux, ainsi que sur des entretiens réalisés avec les membres de cinq groupes distincts, en Iran et en Iraq : le Maktab-e Qor’an et la Société iranienne pour la prédication et la réforme, tous deux d’inspiration frériste, le Yekgrtou Islamî, le Komeley Islamî et des salafistes jihadistes kurdes d’Iran, ainsi qu’avec des maîtres et disciples des Voies soufies historiques de la Qadiriyya et de la Naqshbandiyya, le tout dans onze localités différents des régions de peuplement kurde majoritaire d’Iran et d’Iraq.Parmi les conclusions suggérées : l’importance des impacts qu’ont exercé les transformations successives de l’État iranien, depuis la fin de la période Qadjar à nos jours, et d’une manière plus générale les modernités moyen-orientales, sur la transformation graduelle du champ religieux kurde, en particulier sur l’émergence de mouvements se réclamant, à la fois, d’une rationalisation et d’un effort d’autonomisation par rapport à la société globale – effort perceptible depuis le Maktab-e Qor’an, à la fin des années 1970, jusqu’à une variété de salafismes actuels. Ce que l’on remarque également – du point de vue ne particulier de la distribution genrée des rôles au sein de ces mouvements – est une grande continuité du point de vue de la maintenance de discours autoritaires, nourris d’un héritage de coercition. L’auteure insiste, enfin, sur la nécessité d’une prise en compte du caractère complexe et dynamique des interrelations entre, d’une part, les islamistes d’une ancienne marche tribale de l’Iran héritiers, aussi, du nationalisme kurde de la seconde moitié du XXe siècle, et d’autre part une République islamique persane et chiite, certes, mais souvent tentée au cours de quarante ans d’histoire de jouer la carte d’une instrumentation de la dissidence confessionnelle.