Enquêter sur la capacité à se soucier des autres. Le travail des aides-soignantes en institution pour personnes âgées dépendantes en France et à Taïwan.
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This thesis is on the liberty and the agency care-workers have in their professional and personal lives. From a comparative study of the work done by nurse assistants and the same function providers (faisant-fonction) in institutions for the dependent elderly in France and Taiwan, I would like to show that the “capability to care for others” is intimately linked to the “capability to care for oneself”.This inquiry is based on four active participant observations in traineeships, two in each country, and 52 interviews with care-workers, institution directors and other professionals in the field of care. The comparative approach unveils the opposing contexts in terms of social, political and cultural regulations in these two countries. This observation also enlightens the way in which various factors condition the conversion of the resources available to nurse assistants in an effective accomplishment of the care. These conversion factors are institutional (public policies), organizational (care institutions) and biographical (care-workers). Therefore it is a multi-scale approach that the thesis takes. The intersection of the relationship between the workers and their work and the relationship between the workers and their status of employment constitutes a variety of care work patterns. The configuration of these work patterns reflects how the “capability to care for others” differs depending on the various degrees of their job security and precariousness. The comparison of the care-workers’ career paths with “stabilized” and “precarious” employment status also reveals their different “capability to care for oneself” regarding their agency in their professional development. This thesis also shows that the inequalities in the care workers’ professional development result from the interaction between the logics of the collective and normative regulations and the subjective logics the workers have towards their lives.Redefining the contemporary care work as a justice and social responsibility issue, this research challenges the political discourse which simplifies the relevant problems in the care of the dependant elderly and the care-workers’ conditions from the individualistic perspective of professionalism.
Abstract FR:
Cette thèse porte sur la liberté et le pouvoir d’agir dont disposent les travailleuses du care dans leur vie professionnelle et personnelle. À partir d'une étude comparée, en France et à Taïwan, du travail effectué en institution pour personnes âgées dépendantes par les aides-soignantes et les « faisant-fonction », nous montrons que la « capacité́ à se soucier des autres » est intimement liée à la « capacité́ à se soucier de soi ». L’enquête repose sur quatre périodes d’observation participante dans le cadre de stages, deux dans chaque pays, et sur 52 entretiens réalisés avec des travailleuses du care, des directeurs d’établissement et d’autres professionnels du care. La démarche comparative révèle deux contextes nationaux éloignés en termes de régulations sociales, politiques et culturelles. Elle met aussi en lumière la manière dont s'articulent les divers facteurs qui conditionnent la conversion des ressources à la disposition des aides-soignantes en un accomplissement effectif du care. Ces facteurs de conversion se situent à l’échelle institutionnelle (politiques publiques), organisationnelle (établissements de soin) et biographique (travailleuses du care). C’est donc une approche multi-échelles que développe cette thèse. Le croisement des rapports qu'entretiennent les travailleuses avec leur travail et leurs statuts d’emploi permet de faire apparaître une variété de configurations du travail de care. Ces configurations renvoient à une « capacité à se soucier des autres » différenciée qui est distribuée de manière inégalitaire autour d'une ligne de partage entre précarité et sécurité professionnelle. La comparaison des parcours professionnels des travailleuses du care, avec d’un côté les « stabilisées » et de l’autre les « précaires », permet d’analyser la « capacité à se soucier de soi » au regard de leur pouvoir d'agir en termes de développement professionnel. Ma thèse montre ainsi que les inégalités au niveau du développement professionnel résultent de l'interaction entre les logiques des régulations collectives et normatives, et les logiques subjectives des travailleuses liées à leur parcours de vie. En resituant le travail de care contemporain dans les enjeux de justice et de responsabilité sociale, cette recherche met à l'épreuve le discours politique qui sous-tend la question de la prise en charge de la dépendance et qui réduit la condition des travailleuses du care à une vision individualiste de professionnalisation des métiers du care.