thesis

« Nous qui versons la vie goutte à goutte » : féminisme et économie reproductive : une sociohistoire du pouvoir colonial à La Réunion

Defense date:

Oct. 8, 2018

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Institution:

Paris 1

Disciplines:

Authors:

Abstract EN:

This dissertation shows how, in the aftermath of 1945, a movement of Reunionese women politicized an experience the majority of them shared; being subjected to a colonial power organizing maternal labor. They self-identified as those “who shed life drop by drop”. Whilst putting these movement’s feminist and anticolonial claims in context, this dissertation outlines the socio-history of the reproductive economy to which they are subject. Further, this text traces the emergence and the transformations of the social and political organization of reproductive labor in La Réunion up to the late 1970s, intersecting with gender, race, and class social dimensions. Throughout the analysis, milk, the vital product of their labor, flows through this study beginning with a focus on enslaved wet nurses in the 19th century and ending with the milk powder distributed as part of a welfare policy in the 1960s introduced by the French Prime Minister Debré. Drawing on administrative and political archives, this dissertation examines the norms, procedures, and political strategies that invent and reinvent the colonial art of governing through the organization and control of human reproduction.

Abstract FR:

Cette thèse montre qu’en s’identifiant comme celles qui « versent la vie goutte à goutte », des Réunionnaises mobilisées dans l’après 1945 au sein d’une jeune association féminine politisent une expérience alors partagée par la majorité des femmes de La Réunion : celle d’un pouvoir colonial qui organise à leur dépens le travail maternel. Pour mettre en lumière les revendications anticoloniales et féministes portées par ces militantes jusqu’à la fin des années 1970, cette thèse propose une sociohistoire de l’économie reproductive à laquelle elles se confrontent. Elle retrace la genèse et les mutations de la gestion sociale et politique du travail reproductif à La Réunion en montrant comment cette gestion fait intervenir des rapports sociaux de genre, de race et de classe. Prenant pour fluide conducteur cette ressource vitale qu’est le lait et le travail d’allaitement dont il dépend, cette recherche part du lait versé par des nourrices détenues en esclavage au XIXe siècle et se conclut sur le « lait Debré », matière première d’une politique d’assistance instituée dans les années 1960 par le Premier ministre français du même nom. Appuyée sur l’analyse d’archives militantes et administratives, cette étude examine les normes, les procédures et les dispositifs qui inventent et réinventent un art colonial de gouverner en organisant et en contrôlant la reproduction humaine.