Le "djihad de la vache" : pastoralisme et formation de l'État au Mali
Institution:
Paris 10Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Why choose the “cow” to guide the analysis of State formation in Mali? The pastoralism angle allows for the analysis of State formation based on the combination of two repertoires, ontologi-cal security and development economics, and their respective temporalities: the temporality of adaptation – where historic institutions based on roaming and relations between terroirs and individuals both take priority – and the temporality of a “bureaucratic” way of life, where antici-pation and predictability take priority. For instance, depending on the situations, the cow can be a store of economic value, a government tool, and sometimes even both at the same time. The meaning that Malian society gives to these ways of life today seems to be shaped by both reper-toires at the same time. The “jihad of the cow” is a perfect illustration: faced with the disruptions caused by the building of a nation state, the relations of production in the pastoral environment are becoming predictable through the systematization of “entrustment” – a historic institution that consists in entrusting cattle to shepherds according to complex and unstable alliance logics among terroirs. This systematization is not carried out through a state bureaucracy, but rather through a bureaucracy that is embodied by the jihadist “lifestyles”. Through the analysis of the “cow”, this thesis suggests that “jihad” is not opposed to the State, but rather is a modality of its formation, as “distorted” as it may be: it meets people’s “ontological” security demands, but it mostly does it by matching the “predictability” of the lifestyles and the salvation of the soul.
Abstract FR:
Pourquoi choisir la « vache » pour guider l’analyse de la formation de l’État au Mali ? L’angle du pastoralisme permet d’analyser la formation de l’État à partir de l’articulation de deux registres, celui de la sécurité ontologique et celui de l’économie du développement, et des deux temporalités qui leur correspondent : la temporalité de l’adaptation - où priment les institutions historiques fondées sur l’itinérance et sur les liens entre terroirs et individus - et la temporalité d’un mode de vie « bureaucratique », où priment l’anticipation et la prévisibilité du futur. Par exemple, en fonction des situations, la vache peut constituer une réserve de valeur économique, un outil de gouvernement, et parfois même les deux à la fois. Le sens que la société malienne confère aujourd’hui aux différents modes d’existence semble donc être façonné de concert par ces deux registres. Le « djihad de la vache » l’illustre de manière exemplaire : face aux bouleversements entraînés par la construction de l’État-nation, les relations de production dans le milieu pastoral deviennent prévisibles grâce à la systématisation du « confiage » - institution historique qui consiste à confier des troupeaux à des bergers selon des logiques complexes et instables d’alliances entre terroirs. Cette systématisation se réalise grâce à une bureaucratie, qui n’est pas étatique mais qui est incarnée par la « conduite de vie » djihadiste. À travers l’analyse de la « vache », cette thèse suggère donc que le « djihad » ne s’oppose pas à l’État mais qu’il est au contraire une modalité de sa formation, fut-elle « distordue » : il répond en effet aux demandes de sécurité « ontologique » des gens, mais il le fait essentiellement en faisant coïncider « prévisibilisation » des modes d’existence et salut de l’âme.