L'usage de la force par la police : sur quelques aspects de la mise en oeuvre du monopole de la violence physique légitime par la Police nationale dans la France contemporaine
Institution:
Paris, Institut d'études politiquesDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
Police is one institution in charge of "monopoly of the use of violence". Numerous studies (in France and elsewhere) consider this proposition as the starting point for the analysis of police. But the first part show how this proposition looks more like an axiomatic as an hypothesis eventually validated by empirical assessments. The second part tries to set up empirical observations of police use of force in France. We present a general picture of the phenomena, based on police sources and press files. But this kind of knowledge about police violence is not completely satisfying. We cross here problems related to the possibility of a quantitative knowledge about hidden events ; but, as well, the social significance of these data (the sense social actors give them) is not brought up by these data. Our third part radically modifies the point of view and wishes to know police violence through those who have been (or pretends to have been) victims of police brutality. Their stories, which we have listened thanks to semi directive interviews, are analysed in a methodological perspective. Namely, we interrogate the possibility for a social researcher to know some clues about a specific reality with people characterised by a tremendous social anomie, often heroin addicts, and who live a very special relationship with the truth, because of their constant familiarity with police and judicial institutions. But these accounts draw a very specific space of contingency, in which police brutalities occur, and whose forms and nature produce strong representation among the victims. Victims bring a very coherent social space, in which police violence show ancient forms of governance, like the use of other's body, territoriality, power. Our last part looks at the homologies between this social space and political actors acts, frames of police work, personal investments by police officers in the use of force, and legal rules. The homologies are finally very numerous, and are validated and reaffirmed by the law. We have to conclude in that sense: our contemporary Weberian mode of domination takes root in what could appear like its true antagonism (personal use of violence by state agents). But this violence is not the antagonism of a Weberian mode of domination: in some very specific social spaces, violence is the means of the goal of any domination : to create obedience.
Abstract FR:
La police est une des institutions en charge du "monopole de la violence physique légitime". Et les études, en France et à l'étranger, sont nombreuses qui prennent cette proposition pour point d'appui de leurs réflexions. Pourtant, notre première partie montre que cette proposition relève aujourd'hui plus d'un axiome que d'une hypothèse que des études empiriques viendraient examiner. La deuxième partie tente un constat empirique de l'usage de la force par la police, qui passe d'abord par un état des lieux, que permettent en partie, mais imparfaitement, les sources de presse et les sources policières. La connaissance est alors imparfaite, au-delà des biais quantitatifs classiques : manque à ces données leur signification sociale. Notre troisième partie renverse la perspective, et s'attache à connaître les violences policières par le biais de ceux qui en ont été victimes, ou disent l'avoir été. Leurs récits, sous forme d'entretiens semi-directifs, font l'objet d'une réflexion méthodologique sur cette figure marginale dans le champ de l'entretien de science sociale que constituent celui mène avec des personnes en rupture sociale profondes, souvent toxicomane, et dont la familiarité avec les institutions judiciaire et policière ne garantit pas un rapport exact aux faits. Mais ces témoignages fixent toutefois un espace de contingences, dans lequel les violences policières se produisent, sous des formes qui engendrent des représentations sociales fortes chez ceux qui en sont victimes. Or, les victimes dessinent un espace social extrêmement cohérent, qui voit les violences policières individuelles relever de modes anciens de gouvernement, comme l'exploitation du corps, la territorialisation, la puissance. Notre dernière partie tente de repérer les isomorphismes entre cet espace et les logiques des acteurs politiques, l'organisation du travail policier, le rapport des policiers à la domination physique, et enfin le droit. Or, les correspondances sont nombreuses, de surcroît souvent validées et consolidées par le droit. Force est alors de constater que la domination rationnelle légale s'enracine dans ce qui peut apparaître comme son antithèse même (la violence physique personnalisée), et emploie au coeur d'espaces définis la manifestation de cette antithèse comme la manifestation de sa fin : arracher un rapport d'obéissance.