Courir ou mourir : course à el khobza et domination au quotidien dans la Tunisie de Ben Ali
Institution:
Paris, Institut d'études politiquesDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
The present thesis aims to grasp the « race to el khobza » (bread) in diverse situations and places, ranging from the borders, to illegal work, to smuggling, to call centers, or even NGOs of microcredits. Hence, as the line of conduct of subjects living at the margins of the society, the « race to el khobza » is fundamentally ambivalent. Playing with power is necessary in order to domesticate the uncertainties of life in the margins and to tame violence in order to escape precariousness and poverty. This race is also a subjection to mechanisms of power producing frustrations and feelings of humiliation. Therefore, in Tunisia, the governmentality of el khobza is both the matrix of obedience and revolt.
Abstract FR:
Comment des pratiques économiques illégales viennent-elles à être considérées comme des formes banales et légitimes de subsistance voire d’accumulation ? Par quels mécanismes et selon quelles logiques se constituent-elles en fondement des conduites de vie ? Les Tunisiens désignent ces formes illégales mais légitimes d’accès à des ressources matérielles à travers l’usage du mot el khobza (le pain). Dans une démarche d’ethnographie politique, cette thèse cherche à saisir la « course à el khobza » (« course au pain ») dans des lieux aussi divers que la frontière, l’atelier de travail clandestin, l’économie trafiquante, le centre d’appel ou encore l’ONG de microcrédit et a montré qu’il s’agit d’une conduite de vie qui est fondamentalement ambivalente. Elle amène les sujets les moins favorisés à « jouer le pouvoir » de façon à domestiquer les incertitudes de cette vie aux marges de la société et à apprivoiser la violence dans un désir de s’arracher à la précarité. Simultanément, elle participe à l’insertion et à la diffusion du pouvoir dans les relations économiques les plus banales. La « course à el khobza » est un vecteur de l’assujettissement des hommes par l’insertion, développant les frustrations et les sentiments d’humiliation. En Tunisie, la gouvernementalité d’el khobza constitue aussi bien la matrice de l’obéissance que celle de la révolte.