Prendre la rue : politique de la citadinité vagabonde en Afrique : les Shégués de Kinshasa
Institution:
Paris 1Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Based on several field works in Kinshasa, the object of the thesis is the trajectories of « Shégués », these young city-dwellers who take a « different » path in the streets of the congolese megapolis. By « taking » the street and living in it they, diverge of conventional forms of existence under a roof in a family and throw themselves in a wandering urban adventure which generates both constraints and alternatives. In contrast to dominant discources that tend to represent them as marginal, isolated and inaudible « street children », it appears that Shégués are essential figures of the urban experience in Kinshasa. Subjected to a life full of constraint and uncertainty, they gather aroud new forms of sociability that can be seen as ways to support each other, forms of violence but also as alternative opportunities to « exist ». They can also constitute forms of distinction and even lead to the rise of famous and renowed people. The Shégués create a street culture that paves the way to heterogeneous interactions with other city dwellers and sometimes an incorporation of urban networks of power. Their social differenciation entails a process of stigmatization along a series of constraints. It also provides additional opportunities to have agency in the city and even reach some forms of popularity and prestige. How do they have agency on the city? What do they tell us on the youth’s perspectives of personal accomplishement in Kinshasa today? What are the political effects of the violence they both exert and endure? Do they produce a counter-hegemonic culture? Or do their actions tend to reinforce a violent political order? What are the social frontiers between these young actors and other city-dwellers? Do they shape a culture of subversion and protest? The trajectories of Shégués shed light on the ambivalence of a youth sub-culture, totally reliant on its local environment to urvive and that reclaim the codes established by the dominant sectors of society while challenging the exclusion they endure. While they can appear to reinforce the current « top-down » social order, the Shégués also shape new subversive and contentious life styles in a evolving megapolis, itself generating new norms and new ways of life and survival. In the end, the Shégués assert their role as actors of urban dynamic that keeps creating new figures of legitimacy and prestige while continuously reformulating new imagineries of alternative life possibilities. They express the critical and political ambition of their wandering life that contribute to « citadinity » in Kinshasa but also impact it. They do so by reinventing the ways to teverse their destiny and eventually gain acess to « another life ».
Abstract FR:
S'appuyant sur des enquêtes de terrain conduites à Kinshasa, cette thèse s'intéresse aux parcours des Shégués, ces jeunes citadins qui empruntent un chemin « différent » dans les rues de la mégapole congolaise. En « prenant » et en habitant la rue, en s'écartant des formes d'existence conventionnelles en famille et sous un toit, les acteurs se plongent dans une aventure citadine vagabonde porteuse de contraintes et d'alternatives. En contrepoint aux discours dominants qui les associent à des enfants des rues marginaux, isolés et inaudibles, ces Shégués apparaissent au contraire comme des figures incontournables de la citadinité kinoise. Assujettis à un mode d’existence semé de contraintes et d’incertitudes, ces jeunes citadins se retrouvent autour de nouvelles formes de sociabilité synonymes de soutien et de violence autant d’opportunités alternatives d’exister et de se distinguer, voire d’émerger comme des individus reconnus et renommés. Les Shégués édifient une culture de rues qui leur permet de nouer des interactions composites avec l’ensemble des usagers de la ville, au point de s’insérer dans les réseaux de pouvoir citadin. Leur singularisation sociale et la stigmatisation qu’elle engendre s’accompagne d’une multitude de contraintes mais aussi d’occasions supplémentaires d’agir sur la ville, voire d’accéder à des formes de popularité et de prestige. Comment les Shégués agissent-ils sur leur ville ? Que nous disent-ils des perspectives d’accomplissement personnel s’offrant aux jeunes de Kinshasa d’aujourd’hui ? Quels sont les impacts politiques de la violence qu’ils exercent et qu’ils subissent ? Produisent-ils une culture contre-hégémonique ou viennent-ils au contraire renforcer un ordre politique violent et clientéliste ? Quelles frontières distinguent ces jeunes acteurs des autres citadins ? Forgent-ils une culture subversive et contestataire ? Les trajectoires des Shégués donnent à voir les ambivalences d’une sous-culture juvénile dépendante de son environnement immédiat pour survivre qui se réapproprie les codes établis par les dominants tout en défiant l’exclusion à laquelle ceux-ci les assignent. S’ils peuvent ainsi apparaître comme des figures renforçant l’ordre établi par « ceux d’en haut », ces acteurs forgent des styles de vie porteurs de subversion et de contestation dans une mégapole kinoise mobile et secrète de nouvelles normes et de nouvelles façons de vivre et de survivre. Les Shégués s’affirment en définitive comme des acteurs moteurs d’une dynamique citadine qui promeut sans relâche de nouvelles figures de légitimité et de prestige, tout en reformulant continûment de nouveaux imaginaires d’autres vies possibles. Ils expriment les visées critiques et politiques d’une vie vagabonde qui participe et influe sur les changements d’une citadinité kinoise s’appliquant à réinventer les voies qui lui permettraient de renverser le cours du destin en accédant enfin à une « autre vie ».