Abstract FR:

A deux reprises, entre 1949 et 1979, les chercheurs américains sur la Chine contemporaine voient leur compétence contestée, si l'on veut leur honneur bafoué, leur identité mise à mal, cela au début des années cinquante, pendant la période dite du maccarthysme, et à la fin des années soixante, avec la montée de la contestation radicale radicale sur les campus. Dans le premier cas, après 1949, les spécialistes de la Chine sont accusés d'avoir perdu la Chine, « Loss China ». Ils sont alors pris dans des jeux politiques. L'accusation est pour l'essentiel extérieure à la profession. Elle est principalement portée par les milieux conservateurs républicains au Congrès, mais surtout par McCarthy lui-même qui, lors du discours de Wheeling du 9 février 1950, donne le coup d'envoi de sa tapageuse campagne anticommuniste, et prend explicitement pour cible principale les spécialistes et responsables de la politique chinoise au Département d'Etat. Les sinologues sont tout simplement accusés d'être des ennemis de l'intérieur et d'avoir agi comme des agents communistes au sein même du gouvernement américain. La deuxième expérience traumatique dans la profession intervient en 1968 avec la dissidence ouverte de jeunes chercheurs sur l'Asie qui accusent leurs aînés dans la profession d'être les principaux responsables de la politique impérialiste des Etats-Unis en Asie, la guerre du Vietnam en étant pour eux l'aboutissement logique. Ils font alors avec éclat sécession en se regroupant dans une association ouvertement militante le Committee of Concerned Asian Scholars. Ils critiquent essentiellement la pseudo-objectivité des spécialistes de l'Asie qui dissimulerait mal leur incurable conservatisme et qui seraient les modèles même des nouveaux mandarins de la thèse chomskienne, avec tout ce que l'étiquette peut avoir comme connotation savoureuse lorsqu'elle est accolée aux spécialistes américains de l'Empire du Milieu.