Abstract FR:

L'étude des relations entre Etat, pouvoirs et société au Paraguay met en évidence une continuité autoritariste, structurée par une succession d'étapes historiques. Alors que le caractère périphérique de la province dans l'empire espagnol et l'expérience originale des réductions missionnaires ont favorisé l'émergence d'une collectivité tôt soumise à ses propres lois, les autocraties qui se succèdent après l'indépendance permettent un renforcement de l'appareil étatique mais interdisent l'expression des mouvements sociaux. La contradiction entre la réalité profonde du Paraguay et le modèle libéral imposé après sa défaite dans la guerre de la Triple Alliance provoquera d'autre part une désarticulation exprimée par l'instabilité politique, la vassalisation diplomatique et l'impuissance administrative et économique. Mais elle n'empêchera pas le développement de pratiques à connotation étatique marquée. Le modèle paraguayen est également caractérisé par une montée en puissance de l'armée dans la vie publique, encouragée par la victoire contre la Bolivie dans le conflit du Chaco. Alimentant l'instabilité politique et la tentation du recours à l'homme providentiel, elle s'accompagne d'une hypertrophie des appareils de coercition. Le régime stroessnerien installé à partir de 1954 parviendra à équilibrer des forces de pouvoir jusque-là erratiques en s'appuyant sur un système perfectionné de gestion-redistribution des ressources publiques et sur un dispositif répressif omniprésent. Sa chute se traduira par un rétablissement du pluralisme partisan et l'accession de civils à la tête du pays. Néanmoins, l'influence persistante des secteurs non démocratiques, la puissance tutélaire conservée par les casernes et la pérennisation des pratiques prébendaires laissent rôder les vieux démons de l'autoritarisme.