L'islam introuvable : la construction de l'objet islam par les sciences sociales et l'expertise publique en France et aux Etats-Unis (depuis la fin du XIXe siècle)
Institution:
Paris, Institut d'études politiquesDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This dissertation first shows that, despite the many differences between academic debates in France and in the United States, the history of the objectification of Islam within French and American social science is based on a similar succession of three main paradigms : a culturalist-holist model, a non-culturalist-holist model, and a theory of the construction of norms by individuals. Second, this dissertation attempts to explain the relation between knowledge-producing actors (e. G. Social scientists and policy experts) and policymakers beyond the traditional normative opposition that places a rational deliberation approach against the domination approach. I argue that the relation between these two types of actors should be understood neither as a dialogical relation nor as a sheer competition, but as a process of imitation. Drawing upon Jon Elster’s notion of «strategic use of argumentation» and upon Timur Kuran’s notion of «preference falsification», I suggest that the recurrence of similar modes of reasoning in the arguments of different actors is an effect of their common tendency to imitate a imagined model and not of a sheer exercise of pressure or power. Indeed, a close analysis of the argumentative practices of the Stasi commission’s experts in France and of the experts of a sample of think tanks in the U. S. Reveals that «domination» and «influence» are merely the indirect consequences, constructed post facto, of the tendency of all actors to model their preferences and their arguments on what they think the preferences and arguments of their imagined or real interlocutors are.
Abstract FR:
Cette thèse démontre d’une part que l’histoire de l’objectivation de l’islam par les sciences sociales en France et aux États-Unis est, en dépit des nombreuses différences qui distinguent les débats académiques des deux pays, caractérisée par une même succession de trois modèles théoriques : le holisme culturaliste, la théorie de l’action collective et la théorie de la construction individuelle des normes religieuses. D’autre part, nous analysons le rapport entre les acteurs scientifiques (chercheurs et experts) et les acteurs politiques en renvoyant dos à dos le point de vue de la recherche désintéressée ou de la délibération rationnelle et le point de vue de la domination. Le rapport entre acteurs ne relève ni de la coopération ni de la compétition (domination-résistance), mais plutôt de l’imitation. En nous appuyant notamment sur la notion, élaborée par Jon Elster, d’ «usage stratégique de l’argumentation» et sur celle, élaborée par Timur Kuran, de «falsification des préférences», nous suggérons que, si l’on retrouve les mêmes raisonnements et les mêmes recommandations chez divers acteurs, cela ne signifie pas qu’ils aient été directement influencés ou dominés par d’autres acteurs. C’est ce qu’a permis de faire apparaître l’étude des pratiques argumentatives des participants à la commission Stasi et celles des experts d’un échantillon de think-tanks américains. L’influence et la domination apparaissent ainsi dans notre démonstration comme la conséquence indirecte, construite ex post, de la tendance commune à tous les acteurs à régler leur préférences et leurs arguments sur ce qu’ils croient être les préférences et les arguments d’autrui, à imiter un modèle imaginé.