Abstract FR:

Prendre comme objet d'étude la figure de l'intellectuel en France nous oblige d'abord à faire la sociologie historique d'une figure intellectuelle qui socialement s'est imposée comme la figure de l'intellectuel et se caractérise par son intervention dans la sphère publique. Zola et les intellectuels dreyfusards sont les premiers, au moment de l'affaire Dreyfus, à incarner la figure de l'intellectuel. Celle-ci, ensuite, sera réincarnée par Gide dans l'entre-deux-guerres et par Sartre à la libération. Cette reconstitution de la figure contribue d'une part a sa solidification historique et fonde, d'autre part, la tradition intellectuelle française. C'est pourquoi, les figures zoliennes, gidiennes et sartriennes de l'intellectuel seront appelées figures de la tradition. Depuis la fin des années 70, la figure de la tradition est l'objet de critiques qui tendent à la remettre en cause. La déconstruction de la figure -ou ce qu'il faut éliminer dans la tradition- est entreprise par deux revues d'idées, le Débat et Esprit, qui cherchent à inventer et constituer socialement une figure démocratique de l'intellectuel. Celle-ci va se fonder pour le Débat sur une reforme forte de la tradition car il faut défendre une fonction intellectuelle, un groupe et une position sociale que les représentants de la tradition -notamment Sartre- auraient affaibli. A Esprit, c'est moins la défense de la position sociale et du groupe intellectuel à travers la revalorisation de la fonction qui importe que de maintenir le principe d'une intervention publique. Esprit cherche a redéfinir le rôle et le cadre d'une intervention politique des intellectuels.