Philosophie politique et modernité : l'exemple de Tocqueville
Institution:
Paris 1Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Modernity constitutes a double challenge for political philosophy. First, it must determine the nature and the possibilities of an unprecedented world. But this task requires a theorical reflexion that is at the same time independant from the modern perspective and able to take into account what it reveals of human nature. To this end, it seems that political philosophy may rely upon its own ancient and modern tradition. But according to Léo Strauss, who played a crucial role in its 20th century renewal, only the classical tradition can serve as an useful mediation. Ancient philosophy kept a view of totality by its full conciousness of the two great possible solutions of the political problem. Its choice in favor of the hierarchical solution, which itself reflects the implicit hierarchy of the philosophical life, preserved the conditions of a comprehensive evaluation of reality. By lowering down the criterias of justice, or by defining them only from an unilateral modern perspective, modern thought finally favored, according to Strauss, the exhaustion of political philosophy. But strauss' criticism itself is unilateral, since it takes into account neither the truth of the modern conceptions of liberty and equality, nor the persistant tension, in a part of modern thought, berween the two fundamental perspectives of political life. Our goal is precisely to demonstrate the value of Tocqueville's work, and of the tradition to which it belongs, for a serious reflexion on the nature and on the condi, tions of political philosophy. In this purpose, will first be considered the preservation of the essential perspectives of political philosophy in the works of his main intel, lectual interlocutors: Pascal, Montesquieu, Rousseau, Constant and Guizot. We will then try to recover the complexity of his own thought, first by confronting it to the fundamental interrogation on the specificity of the modern world, and then by showing his own reappropriation, as soon as the first democracy in America, of the plurality of perspectives inherited from earlier thought.
Abstract FR:
La modernité pose un double défi à la philosophie politique. Il lui faut d'abord cerner la nature et les possibilités d'un monde inédit. Mais cela exige une réflexion théorique capable à la fois de mettre à distance le fait moderne et de tenir compte de ce qu'il révèle de la nature de l'homme. À cette fin, la philosophie politique semble pouvoir s'appuyer sur les médiations anciennes et modernes que lui fournit sa propre tradition. Mais pour Léo Strauss, qui joua un rôle capital dans son renouveau au XXe siècle, seule la médiation classique serait valable. La pensée ancienne conservait une vue de la totalité par sa conscience des deux grandes solutions possibles du problème politique, et son choix de la solution hiérarchique, reflet de la hiérarchie affirmée par la vie philosophique, préservait l'horizon de sens permettant de juger adéquatement le réel. En abaissant les critères du juste, ou en les définissant d'un point de vue unilatéral, la pensée moderne aurait à l'inverse favorisé l'épuisement ultérieur de la philosophie politique. Mais la critique de Strauss est elle-même unilatérale, ne tenant compte ni de la vérité des conceptions modernes de la liberté et de l’égalité, ni de la tension persistante, dans une part de la pensée moderne, entre les deux perspectives fondamentales sur le politique. Notre objectif est précisément de montrer la valeur de l'œuvre de Tocqueville, et de la tradition dont elle constitue l'aboutissement, pour penser la nature et les conditions de la philosophie politique. Dans ce but, nous considérons d'abord le maintien des enjeux constitutifs de la philosophie politique dans l'œuvre de ses principaux interlocuteurs : Pascal, Montesquieu, Rousseau, Constant et Guizot. Nous tachons ensuite de retrouver la complexité propre à sa réflexion en la replaçant face à l'énigme première de la différence moderne, puis en montrant sa réappropriation, dès la 1ere démocratie, de la pluralité des perspectives héritée de la pensée antérieure.