Emprisonnement et État de droit : une relation à l'épreuve en Allemagne et en France depuis les "années 68"
Institution:
Paris, Institut d'études politiquesDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This Ph. D work explores the relationships between the prison system and the "rule of law State", both in Germany and in France, since 1968. On the one hand, the rule of law principles aim at shaping a right and moderate prison institution through some protections and guarantees; on the other hand, a prison system which abides by those principles enhances the quality or value of the State. Our argument is neither to relate the long and arduous process by which the penitentiary system attempts to achieve the rule of law norms, nor to demonstrate that such a process is nothing but an illusion with respect to the typical features of the "total institution"; nor to assert that prison discloses the "ultimate truth" about the rule of law. As a matter of fact, the huge gap between legal norms and real practices in prison facilities has already been proved. Therefore, this work focuses rather on the relationships between prison and rule of law from a sociological – and not legal – point of view, by assuming that these relationships are not stable and univocal. The empirical explanation draws upon a series of historical episodes in which these relations are on trial and become problematic, depending for instance on the degree of harmfulness acknowledged to imprisonment. Two main issues are emphasized. First, the problem is not only the conformity to prison legal regulations, but it also concerns concrete devices; second, the double construction of prison system and rule of law State is intimately connected with the political rationale that underpins current transformations of State and capitalism.
Abstract FR:
Cette thèse problématise les modalités de construction réciproque entre l'institution carcérale et l'"État de droit", en Allemagne et en France, depuis les "années 68". D'une part, l'État de droit prétend imprimer sa marque à l'institution carcérale par un certain nombre de garanties et de protections ; de l'autre, un système carcéral équilibré renforce la qualité de l'État de droit qui l'abrite. Il ne s'agit pourtant ni de retracer le progrès laborieux de l'alignement de l'espace carcéral sur les principes de l'État de droit, ni de démontrer l'illusion d'un tel processus au regard des spécificités du dispositif carcéral, ni d'affirmer que la prison, face obscure de l'État de droit, en révèle l'ultime vérité masquée par les techniques de légitimation. L'abîme entre les prétentions normatives et les pratiques effectives en détention a déjà été maintes fois dévoilé. Ce travail cherche donc à approcher sociologiquement le lien entre prison et État de droit, et non juridiquement, à travers des épreuves historiques dans lesquelles la nature des liens entre prisons et État de droit devient problématique et publiquement discutée. Dans ces épreuves s'explicitent diverses articulations possibles entre l'emprisonnement et l'État de droit dans les deux pays selon, notamment, le degré de nocivité reconnu ou non à l'incarcération. Nous insistons plus particulièrement sur deux points : d'abord, les liens qui rattachent la prison à l'État de droit ne sont pas seulement juridiques et procéduraux mais aussi matériels ; ensuite, la rationalité politique qui sous-tend cette double construction s'est déplacée, à mesure des transformations du capitalisme et de l'État.