L’État et ses pauvres : la naissance et la montée en puissance des politiques de transferts conditionnels au Brésil et au Mexique
Institution:
Sorbonne Paris CitéDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
The 1990s saw the birth of so-called 'conditional cash transfers', assistance programs for poor families on the condition that they encourage their children to seek education and attend health centers. In order to reduce poverty and ensure a better future for tomorrow's « poor », these policies represent a new type of social protection with different principles and modes of operation for traditional programs. The analysis of their origins reveals a progressive structuring marked by institutional contexts and different paths that have generated similar results. The objective of this study is to identify one or more variables that might explain their emergence and expansion in Brazil and Mexico in the 1990s and 2000s and to highlight how the evolution of these policies could generate more or less strong opposition from some actors as well as the institutional constraints these policies face. We can observe group structures centred on "causes" - notably the cause of human capital - that have largely determined the development and implementation of these policies. This paper seeks to show the nuances of the idea of consensual reforms in Mexico and Brazil, without denying the extent to which these transformations have occurred. This means that institutional change in Brazil is operated by adding new features to existing institutions; while in Mexico, in the first instance, the process of change and consolidation of conditional cash transfer programs has occurred as an institutional shift and then the defenders of the status quo actors marginally modified the program to keep their interests. As monetary instruments to combat poverty, these programs are the subject of an ambiguous consensus and actors from different coalitions end up supporting them. Finally, "interests", necessary at different times, were constituted as a key variable to understand the permanence and strengthening of these policies through locking phenomena.
Abstract FR:
Les années 1990 ont vu naître de nouvelles politiques sociales, les « transferts monétaires conditionnels » : allocations attribuées aux familles pauvres à condition qu’elles incitent leurs enfants à poursuivre leur scolarité ou qu’elles les conduisent dans les centres de santé, avec pour objectif de réduire la pauvreté et d’assurer un meilleur avenir aux « pauvres » de demain. Avec leur développement, ces politiques ont créé un nouveau champ de protection sociale, dont les principes et les manières de faire s’éloignent du fonctionnement traditionnel de l’assistance. Ces politiques ont fait leur apparition au Brésil et au Mexique dans les années 1990. L’analyse de leur genèse met en évidence une structuration progressive, marquée par des contextes institutionnels et des trajectoires distincts qui se soldent néanmoins par des résultats semblables. Comment expliquer ce parallélisme ? L’objectif de cette étude a consisté à dégager une ou plusieurs variables permettant d’expliquer l’émergence et l’expansion des programmes de transferts monétaires conditionnels dans ces pays et à mettre en évidence la manière dont l’évolution de ces politiques a pu susciter des oppositions plus ou moins fortes de la part de certains acteurs, ainsi que les contraintes institutionnelles auxquelles ces politiques se sont confrontées. On peut observer la structuration de groupes défendant des causes diverses autour de ces politiques, et qui ont déterminé largement leur élaboration et mise en oeuvre, rentrant tantôt en concurrence tantôt en alliance. C’est, notamment, la coalition dominante « pro-capital humain » qui entend définir et encadrer l’ensemble des politiques menées. L’apport de cette recherche est donc de nuancer l’idée d’une réforme consensuelle des politiques de lutte contre la pauvreté au Mexique et au Brésil, sans pour autant nier l’ampleur des transformations intervenues. Il en résulte que le changement institutionnel au Brésil s’est opéré par l'ajout de nouveaux dispositifs aux institutions existantes ; et au Mexique, en première instance, le processus de changement et de consolidation de la politique de transfert monétaire s’est produit sous la forme d'un déplacement et, par la suite, afin de maintenir le statu quo, les acteurs défenseurs des institutions ont modifié de façon marginale le programme pour maintenir leurs intérêts. Les instruments monétaires qui visent à lutter contre la pauvreté sont, en effet, l’objet d’un consensus ambigu, plusieurs acteurs issus de différentes coalitions finissant par le revendiquer. Enfin, la variable intérêt, nécessaire à différents moments, s’est constituée comme une variable essentielle pour comprendre la permanence de ces politiques par l’intermédiaire des phénomènes de verrouillage.