Démocrates dans la diversité? : hétérogénéité culturelle, mobilisations électorales des populations minoritaires et transformations politico-institutionnelles dans les sociétés musulmanes
Institution:
Université Grenoble AlpesDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This thesis work is part of a field study exploring the stability of political regimes and democratic transitions. Beyond the traditional explanations for the frequent prevalence of authoritarianism in the so-called « Muslim world », we propose an interpretation of this phenomenon by testing the hypothesis of the influence of linguistic and confessional heterogeneities on democratization: indeed, it has been found that, while religious diversity in a country increases the probability that it will be administered by an authoritarian regime, ethnolinguistic heterogeneity increases the chances that the society in question will benefit from a democratic system. This hypothesis will be tested in the first part of our doctoral work, through transnational regression analyses, and then limited to Muslim-majority countries. We confirm the finding that ethnolinguistic diversity has a positive influence on the prospects of democratization, and that religious fractionalization has a negative influence on the liberalization of political regimes. The same dynamics can be observed in countries of Muslim culture, with the exception that intra-Islamic factionalisation feeds the likelihood of democratization too. We also propose to explore this relationship between the ethno-cultural composition of a society and the nature of its political regime, starting from the idea that minority identity can be structured around a community vote that facilitates electoral decision-making, thus contributing to routinize party preferences and faster democratic consolidation. The success of the democratic transition would therefore be fuelled by a crystallization of electoral behaviour on the part of minority groups. Conversely, this lack of crystallization and/or lack of access to the government sphere may fuel regime instability, and even lead to the use of extra-parliamentary violence by a fraction of the group concerned. The second part of our thesis is therefore devoted to a case study of a predominantly Muslim country that has had the particularity of experiencing alternating periods of democracy and authoritarianism: Turkey. This country also has the peculiarity of containing a double division in relation to its socio-cultural composition: an intra-Islamic Sunni/Alevis religious division and a Turkish/Kurdish-speaking linguistic division. Consequently, the challenge of our work will be to also test the above-mentioned hypotheses, through the use of a barometric survey conducted from 2010 to 2015. We have noticed the existence of a community vote in Turkey, and we therefore sought to identify why, despite its importance, Turkish democracy has not managed to take root on a lasting basis. In addition to revisiting the ambivalent electoral responsiveness of minority groups during the authoritarian AKP assertion phase, we also highlight the weak manifestation of an « oppositional » vote by these electorates during the elections following authoritarian episodes. The analysis of the electoral dynamics in Turkey leads us to adopt a certain caution with regard to the conclusions concerning the political-institutional consequences of the community vote: while the absence of a community vote may represent a « missed opportunity » for countries engaged in a phase of democratic transition, its late (and non-oppositionary) manifestation does not necessarily constitute a protection against the dynamics of authoritarian revival. Such an observation outlines an interesting research area for the work that will subsequently question the underlying mechanisms behind the relationship between cultural diversity and political liberalization.
Abstract FR:
Ce travail de thèse s'inscrit dans un champ d'études explorant la stabilité des régimes politiques et les transitions démocratiques. Au-delà des explications traditionnelles relatives à la fréquente prégnance de l'autoritarisme dans ce qu'il est convenu d'appeler le « monde musulman », nous proposons une interprétation de ce phénomène en testant l'hypothèse d'une influence des hétérogénéités linguistique et confessionnelle sur démocratisation : en effet, il a été constaté que, si la diversité religieuse d'un pays accroît les probabilités de voir celui-ci être administré par un régime autoritaire, l'hétérogénéité ethnolinguistique augmente les chances de voir la société en question bénéficier d'un système démocratique. Cette hypothèse sera testée dans la première partie de notre travail doctoral, à travers des analyses de régression transnationales, puis limitées aux pays à majorité musulmane. Nous confirmons le constat d’une influence positive de la diversité ethnolinguistique sur les perspectives de démocratisation, et d’une influence négative de la fractionnalisation confessionnelle sur la libéralisation des régimes politiques. Les mêmes dynamiques se manifestent dans les pays de culture musulmane, à ceci près que la fractionnalisation intra-islamique alimente également les probabilités de démocratisation. Nous proposons également d'explorer cette relation entre composition ethnoculturelle d'une société et nature de son régime politique, en partant de l'idée que l'identité minoritaire peut se structurer autour d'un vote communautaire facilitant la décision électorale, contribuant ainsi à une routinisation des préférences partisanes et à une consolidation démocratique plus rapide. La réussite de la transition démocratique serait donc alimentée par une cristallisation des comportements électoraux de la part des groupes minoritaires. A l'inverse, cette absence de cristallisation et/ou d'accès à la sphère gouvernementale peut alimenter l'instabilité du régime, et même entraîner le recours à la violence extraparlementaire dans une fraction du groupe concerné. La seconde partie de notre thèse est donc consacrée à une étude de cas, portant sur un pays majoritairement musulman ayant eu la particularité de connaître une alternance de périodes démocratiques et de phases d'autoritarisme : la Turquie. Ce pays a en outre la particularité de renfermer une double division relative à sa composition socioculturelle : une division religieuse intra-islamique sunnites/alévis et une division linguistique turcophones/kurdophones. Par conséquent, l'enjeu de notre travail sera de tester également les hypothèses mentionnées ci-dessus, à travers l'utilisation d’un sondage barométrique mené de 2010 à 2015. Nous avons relevé l'existence d'un vote communautaire en Turquie, et avons donc cherché à identifier pourquoi, en dépit de sa prégnance, la démocratie turque n’est pas parvenue à s’enraciner durablement. En plus de revenir sur la réactivité électorale ambivalente des groupes minoritaires durant la phase d’affirmation autoritaire de l’AKP, nous soulignons également la faible manifestation d’un vote « oppositionnel » émanant de ces électorats durant les scrutins succédant à des épisodes autoritaires. L’analyse des dynamiques électorales en Turquie nous incite à adopter une certaine prudence quant aux conclusions relatives aux conséquences politico-institutionnelles du vote communautaire : si l’absence de vote communautaire peut représenter une « occasion ratée » pour les pays engagés dans une phase de transition démocratique, sa manifestation tardive (et non-oppositionnelle) ne constitue pas nécessairement une protection devant les dynamiques de regain autoritaire. Un tel constat esquisse une piste de recherche intéressante pour les travaux qui interrogeront ultérieurement les mécanismes sous-jacents derrière la relation entre diversité culturelle et libéralisation politique.