La cause des femmes au Yémen : contribution à une analyse intersectionnelle des rapports de domination
Institution:
Paris 1Disciplines:
Directors:
Abstract EN:
Based on a qualitative enquiry (interviews and participative observation), this thesis uses intersectionality to investigate social and political conditions for the building of the women’s cause in Yemen. Gender relations have gradually been constructed as a political stake all along the twentieth century by the state, political forces as well as international aid (chapter 1). We then look at conditions that may allow the emergence of a gender consciousness among “ordinary” women (i.e. non-activist, non-elite women). In chapter 2, we explore whether an all-female self-segregated space might lead to an alternative discourse, a gender-informed “hidden transcript” (Scott, 1990), based on a fieldwork in a EU-funded empowerment project implemented by a small women’s association. Through this project, employees negotiate gender norms. However overall effects are limited and ambivalent. Women’s social class depends on their male relatives’ class, thus they put the latter’s interests first. Besides, project staff tends to distinguish themselves from lower-class women, hindering the emergence of gender consciousness beyond class. Analysing social class differences allows us to better understand how elite women claim representing all Yemeni women and how the agenda of the women’s cause is built. Indeed, both in the revolution and the National Dialogue Conference, spokeswomen happen to be elite women who, because of their de facto exclusion from the political arena, prioritise the quota over other issues.
Abstract FR:
À partir d'une enquête qualitative, principalement fondée sur des entretiens et une observation participante, cette thèse restitue dans une perspective intersectionnelle les conditions sociales et politiques de la construction de la cause des femmes au Yémen. Après avoir montré comment les rapports sociaux de sexe ont progressivement été constitués en enjeu politique au cours du XXe siècle aussi bien entre les pouvoirs politiques, les partis politiques, mais aussi l'aide publique internationale (chapitre 1), on interroge les conditions d'émergence d'une conscience de genre du côté des femmes « ordinaires » (i.e. non issues de l'élite politisée et militante). Dans le chapitre 2, l’hypothèse selon laquelle un espace d’entre-soi féminin permettrait l’émergence d’un discours alternatif caractérisé par une conscience de genre est ainsi testée via une enquête ethnographique au long cours dans une petite association féminine de province porteuse d'un projet d'empowerment financé par l'UE. Comme on le montre alors, si cette expérience conduit les salariées associatives enquêtées à renégocier certaines normes de genre, les effets de cette socialisation s'avèrent néanmoins limités et même ambivalents. Car outre le fait que les salariées continuent de veiller aux intérêts des hommes de leur famille dont elles demeurent tributaires, leur nouveau statut les conduit à se distinguer des femmes des classes inférieures, obérant ainsi les possibilités d’émergence d’une conscience de genre. On appréhende mieux dès lors les mécanismes de délégation politique au sein de l'espace de la cause des femmes qui amènent les femmes de l’élite à revendiquer la représentation des femmes yéménites dans leur totalité, notamment des femmes pauvres. Cela explique aussi pourquoi, au sein de l’espace de la cause des femmes au Yémen, l’accent est mis sur certaines questions plutôt que d’autres. L'analyse des caractéristiques sociales de celles qui participent à la révolution en 2011 (chapitre 3), puis à la Conférence du dialogue national (chapitre 4), éclaire en effet le succès de certaines revendications, et plus particulièrement du quota politique, lequel fonctionne comme une rétribution du militantisme pour les femmes de l’élite qui, malgré leurs capitaux scolaire, social et militant, ont un accès extrêmement limité aux mandats et postes politiques.