thesis

Les bras et le ventre : une sociologie politique des plantations industrielles dans le Cameroun contemporain

Defense date:

Nov. 13, 2019

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Institution:

Paris 1

Disciplines:

Directors:

Abstract EN:

Industrial plantations are currently Cameroon’s first private employment sector, and cover huge areas. Drawing on labour and organizational studies as well as political sociology, the thesis shows how much these peculiar spaces, often described as closed enclaves subject to desertification, are constrained by social processes and contribute to State-formation. To this end it gives special attention to material realities, life trajectories and social conflicts. The first part of the thesis is dedicated to a sociological description of the labour force, rank and file of workers but also members of management. It explores the experiences of labouring bodies, the social meanings of money, lifestyles, solidarities and social differentiations in order to portray the wide diversity of workers. It shows that gender (both womanhood and manhood), ethnicity, race, education or land possession are all imported and reshaped inside the plantation. The dissertation questions plantation workers’ trajectories and imaginaries, showing how such a labour force is deeply integrated within a wider whole, the Cameroonian working classes. The second part of the thesis shows how large estates participate in shaping both the Cameroonian territory and the current political order. Understood as organizations that are constantly in the making, these companies are manufactured by evolving spatial constraints, as well as constant labour shortages and conflicts. Plantations must then contend on a daily basis with numerous forms of resistance and contestation to maintain their geographical area and build their labour force. Land and employment issues are core to the making of the peculiar political topographies through which industrial plantations contribute to State formation in Cameroon. In that sense, the thesis suggests that the creative political role plaid by workplaces and labour issues have been underestimated in the study of land grabbing and of contemporary African societies. On a more theoretical level, the thesis, which builds upon a long-run ethnographic immersion in three agro-industrial plants, puts into discussion contributions from sociology and anthropology around labour, working classes, organizations, land and State.

Abstract FR:

Les plantations industrielles sont aujourd’hui le premier secteur d’emploi privé au Cameroun, et couvrent d’immenses surfaces. En les prenant pour objet, la thèse cherche à relever le défi de comprendre la formation du politique et de l’État en rapport avec les processus sociaux et les matérialités (notamment celles liées à la production) qui les contraignent et les configurent. Pour cela elle s’appuie dans une première partie sur une description sociologique de la main-d’œuvre (ouvrières et ouvriers, encadrement local et expatrié). L’activité de travail, le régime de paye et le sens pris par l’argent numéraire, l’expérience corporéisée qu’ils alimentent, mais aussi les trajectoires et styles de vie, sont passés au crible afin d’éclairer la fabrique locale des identités, les solidarités comme les dynamiques de différenciation et de distinction. Masculinités et féminités, ethnicités, couleur de la peau, capital scolaire ou encore accès à la petite propriété nourrissent ces dernières, sont mobilisés ou subis par les entreprises. La thèse prouve que les travailleur.se.s des plantations sont inscrit.e.s de plain-pied dans un ensemble plus vaste, celui formé par les classes populaires, dont elle participe à l’exploration. La deuxième partie montre alors que les grandes plantations ne sont pas des enclaves échappant au territoire national. Établir leur ordre productif leur demande un effort constant, réinventé au fil du temps, pour construire leur main-d’œuvre (y compris les cadres, des dominant.e.s qui s’y sentent souvent à l’étroit) mais aussi leur emprise sur l’espace. Cet effort, quotidiennement en butte avec diverses relativisations, est constitutif des plantations en tant qu’organisations. De même ces dernières sont-elles dépendantes de leur intégration dans un ordre politique plus vaste, qu’elles contribuent à former localement du fait des multiples antagonismes suscités par leur activité, et des arènes de négociation comme des manières d’« appeler l’État » qu’ils génèrent. C’est le cas en particulier des conflits fonciers et de ceux liés au travail, qui fournissent les ressources politiques nécessaires à l’édification de positions de représentants. Les grandes plantations contribuent donc à l’édification de topographies politiques certes singulières, mais qui forment localement les racines sociales de l’État. En témoignant de la politisation intense de ce qui s’y joue, la thèse suggère que la place des lieux de travail et des enjeux liés à l’emploi a été sous-estimée dans l’étude de la société politique camerounaise contemporaine. Nourrie par une longue enquête dans trois complexes agroindustriels, elle repose également sur la mise en dialogue d’apports issus de la sociologie et de l’anthropologie du travail, du genre, des classes populaires, des organisations, du foncier et de l’État.