L'interprétation créatrice de la Constitution par le juge constitutionnel en France et en Suisse
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Abstract EN:
In Switzerland, the tribunal federal (the Swiss supreme court) has explicitly laid down rules of "non-written law" in constitutional matter, without raising much objection from a political or juridical point of view. On the contrary, the French Conseil constitutionnel does its best to rely, as far as it can, on written provisions, for its creative power is sharply challenged, but that leads inevitably to the binding appearing for what it is: artificial and forced. Considering the contents of the constitutional principles and not only their denomination, we can demonstrate that a real creative power of the judge is much more frequently apparent in the interpretation of written provisions than on the rare occasions when the judge ventures to lay down a praetorian rule because he can be supported by widely shared values and if he is certain to meet a broad consent. That should bring to question the usual analyses of the creative power, which are too often satisfied with appearances, i. E. The purely formal justifications put forward by the judge, whereas on the French side, the respective parts of the legislator, the constitutional judge and the constituent have to be reconsidered in the light of the democratic theory. Even creative, interpretation can be conducted more rigorously than generally thought, if only one conforms to values which impregnate the juridical order, relying on a methodology which allows a coherent application of the often contradictory principles present in constitutional litigations. The development of a procedural rationality should make the unavoidable share of political appreciation move back.
Abstract FR:
Le Tribunal fédéral suisse a consacré explicitement des règles de "droit non écrit" sans que cela ne soulève d'objection majeure sur le plan juridique ou politique. Le Conseil constitutionnel français s'efforce, au contraire, de s'appuyer autant qu'il le peut sur des dispositions écrites, car son pouvoir créateur est vivement contesté, mais cela conduit inévitablement à ce que le rattachement apparaisse pour ce qu'il est : artificiel et forcé. En prenant en considération le contenu des principes constitutionnels et pas seulement leur dénomination, on peut montrer qu'un réel pouvoir créateur du juge se manifeste bien plus fréquemment à l'occasion de l'interprétation de dispositions écrites que dans les rares cas où le juge se permet de consacrer explicitement une règle prétorienne, car il ne s'y hasarde que s'il peut s'appuyer sur des valeurs largement partagées dans la société et s'il est assuré de rencontrer un assez large consensus. Cela doit conduire à remettre question les analyses habituelles du pouvoir créateur qui se satisfont trop souvent des apparences, c'est-à-dire des justifications purement formelles avancées par le juge, tandis que, du cote français, les rôles respectifs du législateur, du juge constitutionnel et du constituant doivent être remis en perspective à la lumière de la théorie démocratique. L’interprétation, même créatrice, peut être menée d'une manière plus rigoureuse qu'on ne le pense généralement, pour peu que l'on se conforme aux valeurs qui imprègnent l'ordre juridique en s'appuyant sur une méthodologie qui permette d'assurer une application cohérente des principes souvent contradictoires que l'on rencontre dans les litiges constitutionnels. Le développement d'une rationalité procédurale doit faire reculer la part inévitable d'appréciation politique.