thesis

La conception française de la laïcité : permanences et perspectives

Defense date:

Jan. 1, 2006

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Institution:

Aix-Marseille 3

Disciplines:

Directors:

Abstract EN:

“Laïcité” tends to be regarded by laymen as being directed against religious beliefs. Indeed, it can be difficult to distance oneself from the weight of history and from the representation of the early Third Republic as conquering, positivist and anticlerical. Certainly, one cannot disregard either the conflict that basically opposed the France of Reason and progress to the France of God and tradition, or the intense passions and excesses of the upholders of absolutism, were they “laïcards” or “papistes”. The intensity and complexity of the controversy were such that it survives in our collective subconscious, and, intuitively, we consider “laïcité” as being opposed to religion, and particularly to the Catholic Church. In contrast, the legal translation of “laïcité” has been much more moderate. The legislator, greatly assisted in this respect by a comprehensive and liberal administrative jurisprudence, concerned himself from the start with the preservation of individual freedom of conscience. Far from undermining religious beliefs, the Republic favoured pluralism in two ways. Firstly, by adopting the position of a strict neutrality of public services, thus allowing everyone to be free from a partisan state-controlled influence and therefore to identify more easily with republican values, whatever one’s chosen religious orientations. Secondly, by taking a more positive stance on the possibility of spreading ideas, notably by opening public media to religion or through state aid for the development of private education. However, this tolerance of religious beliefs could not be limitless, and the State reacted in order to combat a certain religious militancy that was particularly self-assured and invasive of the public arena. The State re-imposed a “laïcité” that was more restrictive of the expression of religious beliefs, so as to protect individuals from oppressive and immoderate proselytism, were they atheist, agnostic, or religious. Somewhat similarly, the Republic made the “churches” truly independent of the State, and vice versa, by the law of December 9, 1905, which actually targeted the Catholic Church. On this point also, clichés persist, and to consider total separation as the prerequisite of any “laïcité” is not only a delusion, but was never envisaged. The separation, although strict in certain aspects, nonetheless remains pragmatic, after having had to adapt itself to the resistance of the Catholic Church in Metropolitan France, to the very special local laws on religion in Alsace-Moselle, and to the diverse situations in the overseas territories. The result is legislation on religion that is both disparate and complex, but which has achieved a lasting religious balance. However, this balance is currently being called into question, on the one hand by an increase in religious activity, particularly that of the Muslim religion and of cults, and on the other hand by the sometimes radically different examples set by our European neighbours, and by France’s strong involvement in the construction of Europe jointly with other member States which, for the most part, are far from sharing our concept of “laïcité”.

Abstract FR:

La laïcité est volontiers perçue par le profane comme étant dirigée contre les croyances religieuses. Il est vrai qu’il est parfois difficile de s’extraire du poids de l’histoire et de l’image d’une jeune IIIème République conquérante, positiviste et anticléricale. Certes, il n’est pas question d’éluder le conflit qui opposa très schématiquement la France de la Raison et du progrès à la France de Dieu et de la tradition. Il n’est pas non plus question d’omettre les passions exacerbées et les excès des tenants d’un absolutisme, qu’ils soient « laïcards » ou « papistes ». L’intensité et la richesse des débats furent tels qu’ils perdurent encore dans notre imaginaire collectif et, qu’instinctivement, nous pensons la laïcité en terme d’opposition à la religion, et notamment d’opposition à l’Eglise catholique. Or, la traduction juridique de la laïcité a été beaucoup plus modérée. Le législateur aidé grandement en cela par une jurisprudence administrative compréhensive et libérale, a eu dès le début le souci de préserver la liberté de conscience des individus. Loin d’assécher les convictions religieuses, la République va favoriser le pluralisme des idées de deux manières. D’une part, grâce à une attitude de stricte neutralité des services publics, permettant ainsi à chacun de ne pas être soumis à une influence étatique partisane et de s’identifier ainsi plus aisément aux valeurs républicaines, ceci quelles que soient les orientations religieuses choisies. D’autre part, par le biais d’une attitude plus positive consistant dans la possibilité de diffusion des idées, notamment par l’ouverture des médias publics à la religion ou encore par l’aide de l’Etat au développement de l’enseignement privé. Cependant, cette compréhension envers les convictions religieuses ne saurait être illimitée. L’Etat afin de lutter contre un militantisme des cultes particulièrement décomplexé et invasif de l’espace public a réagi. Il a réaffirmé une laïcité plus restrictive de l’expression des convictions religieuses afin de protéger de tout prosélytisme oppressant et excessif les individus, qu’ils soient athées, agnostiques ou croyants. De manière quelque peu symétrique, la République a permis par la loi du 9 décembre 1905, destinée en pratique à l’Eglise catholique, d’édifier une réelle indépendance des « églises » de l’Etat et réciproquement. Là aussi, les poncifs perdurent, et considérer une séparation absolue comme étant le préalable à toute laïcité non seulement est un leurre mais n’a jamais eu cours. Cette séparation, si elle est stricte par certains de ses aspects, n’en demeure pas moins pragmatique, car elle a dû s’adapter aux résistances de l’Eglise catholique en métropole, au si particulier droit local des cultes des départements alsacien-mosellan ou encore aux situations pour le moins variées des territoires ultra-marins. Il en résulte un droit des cultes hétéroclite et complexe mais qui a réalisé un équilibre religieux pérenne. Equilibre de nos jours remis en question d’une part, par un accroissement du dynamisme religieux dans notre pays, notamment de la religion musulmane et des « sectes » et d’autre part, par les exemples parfois radicalement différents de nos voisins européens et par la forte implication de la France dans la construction européenne associée à des Etats membres qui ne partagent pas tous, loin s’en faut, notre conception de la laïcité.