L'école entre l'État et l'Église : le cas de l'enseignement primaire du Burkina Faso de 1898 à 2007
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Paris 8Disciplines:
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L'éducation est un problème social et en se présentant comme un des atouts politiques de première grandeur elle constitue de façon récurrente un thème de débat controversé. Dès lors les institutions scolaires de tous les pays deviennent le théâtre d'enjeux idéologiques et politiques. Cette conquête sera marquée par une lutte d'influence permanente, un choc des conceptions. Deux grandes institutions sociales avec des conceptions différentes sont reconnues comme étant les précurseurs de cette guerre stratégique qui consiste à s'approprier chacune la tutelle de l'enseignement primaire et en faire un puissant argument politique et social dont le contrôle est très déterminant. Il s'agit de l’État et de l’Église. La conception de l’Église consiste à acquérir la suprématie idéologique dans le système scolaire pour y installer sa vision du monde, celle d'une vérité révélée qui considère comme naturelle les hiérarchies sociales et d'y exercer un tutorat moral et politique dans un sens hostile aux idées du libéralisme politique et de sécularisation de la société. Dans la conception cléricale en matière d'enseignement, le monde est un cosmos ordonné selon une disposition hiérarchique relativement stable entre les différents êtres qui entretiennent entre eux des relations de correspondance et d'analogie. L'acceptation du destin, le sacrifice et l'obéissance à une hiérarchie et à une parole venant d'en haut sont des préceptes à inculquer dès l'enfance. La conception de l’État veut que l'école publique triomphe de l'école catholique et assure la victoire de la démocratie et du mouvement des idées sur l’Église et la monarchie. La création d'un enseignement d’État indépendant de tout contrôle ecclésiastique est destinée à proposer un nouvel idéalisme scientifique et laïc. L'école doit être un espace intellectuel libre et dégagé de toute connotation religieuse pour que puisse se constituer le choix de vie idéologique et spirituel de chaque individu et que chaque citoyen puisse entrer en contact avec un savoir libéré de toute contrainte théologique. Chacune de ces deux institutions qui se disputent l'école veut donc la développer à son profit. L'école y a plus gagné que perdu (surtout sur le plan quantitatif) dans ces rivalités. La présente thèse a tenté de jeter un regard rétrospectif sur ce type de relations conflictuelles dans la gestion de l'enseignement primaire au Burkina Faso. Les différentes recherches ont permis d'apporter des explications possibles à cette rivalité scolaire, analysée en quatre phases. La première phase a été marquée quatre principaux facteurs : 1) la stratégie idéologico-philosophique de chacune de deux institutions dans cette convoitise de l'école, 2) le mouvement anticlérical et la mauvaise exportation des principes de laïcité qui s'en est suivie, 3) les premiers conflits entre les administrateurs coloniaux et les missionnaires blancs, 4) la prospérité et l'engouement autour des deux premières écoles privées catholiques ouvertes à Ouagadougou et Koupéla. La deuxième phase s'explique également par quatre facteurs principaux : 1) la reprise du mouvement anticlérical et l'interprétation à des fins politiques de la notion de laïcité scolaire, 2) la fibre nationaliste des élites voltaïques au lendemain de l'indépendance du pays, 3) l'avènement des organisations de la société civile en Haute-Volta et leur implication dans la crise de l'enseignement privé catholique, 4) l'action des intellectuels convertis dans les confessions religieuses concurrentes de l’Église catholique, notamment l'Islam et l’Église protestante. La troisième phase se justifie par les dernières manifestations de l'anticléricalisme, la consolidation par les premières élites du tout-État ou État-nation, la politique scolaire de certains régimes d'exception et enfin par les différents groupes de pression du pays. La dernière phase est une projection sur l'avenir et pourrait être provoquée par le rayonnement et la qualité de l'enseignement des nouvelles écoles privées catholiques, l'appartenance religieuse des élèves de ces écoles et leur financement par l’État. Mais de manière générale, les principales causes de la rivalité scolaire État-Église au Burkina Faso proviennent de trois grandes problématiques nées de la vision que chacune des deux institutions s'est faite de la société. Il s'agit de l'anticléricalisme, de la laïcité ou de la neutralité religieuse mais principalement de la stratégie philosophico-culturelle qui se déploie derrière les conceptions de l’État sur l'école.