Abstract FR:

Cette thèse étudie la mise en place de nouveaux livrets scolaires, à la suite de la loi d'orientation de1989. Deux approches sont explorées. Une approche historique de la prescription des textes officiels décrit comment l'évaluation prend progressivement sa place au coeur de l'école primaire. Une approche sociologique explicite ensuite l'interaction des différents acteurs face à cette réforme. Celle-ci fait place à un travail de reconstruction, que l'on analyse en termes de diffusion de l'innovation et de régulation conjointe. Les nouveaux livrets scolaires ont-ils favorisé l'évolution des pratiques enseignantes ? La thèse tente de répondre à cette question à partir d'une quinzaine d'entretiens et d'une enquête par questionnaires auprès de 214 enseignants. Elle s'appuie conjointement sur la sociologie des organisations de Crozier et Friedberg, la sociologie de l'innovation de Callon et Latour, la sociologie des conventions de Boltanski, Thevenot et Derouet, et la sociologie de la régulation de Reynaud. Si les livrets scolaires participent bien du developpement du travail en équipe, celui-ci reste centré, non pas sur les élèves, mais sur ce qui doit être enseigné. Les livrets n'ont pas apporté de modification aussi substantielle dans les relations avec les parents. Jamais consultés sur le choix ou l'élaboration locale des nouveaux livrets, les parents ont eu tendance à y chercher les mêmes points de repères que dans les anciens carnets de notes. Les relations avec les élèves ne connaissent pas, non plus, de changement décisif. La fonction stratégique de l'évaluation (régulation des relations, de la pression au travail) l'emporte au détriment de sa fonction "technique" (régulation des apprentissages). L'évaluation en termes de niveau et d'efforts persiste comme routine cognitive modélisante, en contradiction avec des affirmations plus convenues sur l'évaluation en termes de compétences.