Artistes femmes, queer et autochtones face à leur(s) image(s) : pour une histoire intersectionnelle et décoloniale des arts contemporains autochtones aux Etats-Unis et au Canada (1969-2019)
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
In the late 1960s, the Indians of All Tribes lead a movement of social protests to get their rights to sovereignty and self-determination recognized as peoples. The American Indian Movement take over these political, social, and cultural issues. Together, Indigenous women and men start a process of emancipation that has been blocked by assimilationist US governmental policies. In Canada, collective movements also rise in the 80s and 90s, with the highest points during the Restigouche events (1984) and the Oka Crisis (1990). These major events inspire a whole generation of young Indigenous artists and women in particular, who study mostly at the Institute of American Indian Arts of Santa Fe (New-Mexico). Thanks to their education, they develop transdisciplinary artistic practices between art and ethnography that highlight the porosity and the flakiness of the borders that have been created in all the sectors by the dominant society against groups regarded as minorities. To do so, the “photographique” – that designates the photographic practice, technics and image – become a strategic technical and technological tool of reappropriation and reaffirmation of their identities and representation. These women and queer artists question, thanks to this medium, the ways they have been presented and re-represent themselves in the context of critical practices of the stereotypes that they have been facing for several centuries of cultural appropriation. It enables them to rethink their identities, the relationships to their bodies, their sexualities and genders, in terms of paradigms specific to their own spiritualities. Through artistic and political images, based on an analogy made between the violation of their rights, the exploitation of their lands and territories, and the feminicides perpetuate, they continue to take part in actual resistance movements against extractivist projects where they are again at the frontline. Based upon an iconographic corpus made of almost 200 artworks, through the 70s till now, and individual interviews with women and queer artists and militants from the US and Canada, this dissertation aims to show how these images – photographic in particular – try to set up new epistemologies in an intersectional, decolonial and anticapitalist perspective, as part of a process of reaffirmation of the inherent rights of Indigenous peoples, guaranteed by the United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples (2007).
Abstract FR:
Fin des années 1960 aux Etats-Unis, les Indians of All Tribes impulsent un mouvement de contestations sociales qui a pour but la reconnaissance des droits inhérents aux peuples autochtones à la souveraineté et à l'auto-détermination. L'American Indian Movement et sa branche féminine Women of All Red Nations s'emparent de ces questions sociales, politiques et culturelles. Femmes et hommes entament de concert un processus d'émancipation dont l'accomplissement ne cesse d'être repoussé par les politiques assimilatrices successives du gouvernement états-unien. Au Canada aussi, des mobilisations collectives éclatent dans les années 1980 et 1990, et culminent avec les événements de Restigouche (1984) et la Crise d'Oka (1990). Ces évènements majeurs inspirent toute une jeune génération d'artistes autochtones et de femmes en particulier, formées notamment à l'Institute of American Indian Arts à Santa Fe (Nouveau-Mexique). De formations universitaires approfondies, elles développent des démarches artistiques transdisciplinaires à mi-chemin entre l'histoire de l'art et l'ethnographie. Elles mettent en évidence la porosité et la friabilité des frontières instaurées dans tous les secteurs par la société dominante contre les groupes considérés comme minoritaires. A cette fin, le photographique – par lequel nous désignons la pratique, la technique et l'image photographiques – devient un outil stratégique majeur de réappropriation et de réaffirmation de ce qu'elles sont et tendent à incarner. Ces artistes femmes interrogent grâce à ce médium les façons dont elles ont été représentées et se représentent elles-mêmes dans le cadre de démarches critiques des stéréotypes dont elles font l'objet depuis plusieurs siècles d'appropriation culturelle. Elles repensent par ce biais leurs identités, les rapports qu'elles entretiennent à leurs corps, à leurs sexualités et à leurs genres, à l'aune de leurs propres spiritualités. Grâce à leurs images artistiques et politiques, fruits de pratiques fondées sur une analogie entre la violation de leurs droits, l'exploitation de leurs terres et territoires, et les violences sexuelles dont elles font l'objet, elles continuent à prendre part aux mouvements de résistance actuels qui s'opposent aux projets extractivistes face auxquels elles s'affirment, une nouvelle fois, en première ligne. A partir d'un corpus iconographique de près de 400 œuvres réalisées entre 1969 et 2019, et d'entretiens individuels avec des artistes et des militantes femmes et queer autochtones des Etats-Unis et du Canada, cette thèse a pour objectif de montrer en quoi ces images – en particulier photographiques configurent des épistémologies nouvelles dans une perspective intersectionnelle, décoloniale et anticapitaliste, et s'inscrivent dans la continuité d'un processus de réaffirmation des droits inhérents des peuples autochtones, garantis par la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones (2007).