thesis

Les chants de nostalgie et de tristesse des Ayoreo du Chaco Boréal Paraguayen : une ethnographie des liens coupés

Defense date:

Jan. 1, 2014

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Institution:

Paris, EHESS

Abstract EN:

In this thesis I analyse the nostalgic love songs and the sadness songs of the Ayoreo of northern Paraguayan Chaco, combining a discourse centered approach with an ethnography of everyday life. My aim is to show that discourse is not an illustration but a crucial element of social life. Following Ayoreo theories of discourse, I have explored the diverse modalities of speech agency. The powerful speech — healing spells and myths — gains its efficacy through a meta-discourse, while the “profane” speech — not associated with shamanism or the original times — has subtler but nevertheless very neat effects on Ayoreo social life, specially through the nostalgic love songs and the sadness songs. I analyse the vocabulary of emotions and establish that the concept of nostalgia — jnusietigai — plays a fundamental social part at various levels. Among the Ayoreo, every remarkable social fact in their life can be turned into a song. In fact, the more than seven song genres constitute lyric tools that produce a repertory of anecdotes. These anecdotes become though repetition an example-based guideline for accepted and non-accepted behaviour. The Ayoreo discourse is an interpretative practice that shapes everyday social events through entextualisation and subsequently influences events to come. The songs — performed and heard every night — establish an aesthetics of nostalgia, which is at the same time a social ethics of conviviality. Social values are highlighted and antisocial values disapproved through the prism of affectivity.

Abstract FR:

Dans cette thèse, j’ai abordé les chants de nostalgie d’amour et de tristesse des Ayoreo du Chaco paraguayen autant du point de vue de l’ethnographie du discours que de l’ethnographie de l’intimité, dans le but de montrer que le discours n’est pas illustratif, mais constitutif du social. M’appuyant sur les théories ayoreo du discours, j’ai exploré les modalités diverses de l’agentivité des mots. La parole puissante — formules de guérison et mythes — achève son efficacité par le biais d’un métadiscours, tandis que la parole « profane » — non associée au chamanisme, ni aux temps premiers — a des effets plus subtils, mais très nets sur la vie sociale, notamment à travers les chants de tristesse et de nostalgie d’amour. L’étude attentive du vocabulaire des émotions m’a permis d’établir que l’idée de nostalgie — jnusietigai — joue un rôle d’opérateur social à plusieurs niveaux. Chez les Ayoreo, tout événement est susceptible de devenir une composition chantée. En fait, plus de sept catégories de chants constituent des dispositifs lyriques qui permettent de créer un répertoire d’anecdotes. Ces anecdotes constituent par addition une référence, un point de repère des comportements par le biais de l’exemplification. Le discours est alors une pratique interprétative qui donne forme aux événements sociaux quotidiens par le biais de l’entextualisation et qui conditionne ainsi les événements postérieurs. Les chants, interprétés et entendus tous les soirs, établissent une esthétique de la nostalgie qui est en même temps une éthique sociale de la convivialité. Les valeurs sociales sont exacerbées et celles antisociales condamnées à travers le prisme de l’affectivité.