Une maladie sans avenir : anthropologie de la tuberculose en France et en Allemagne
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
As a result of social and medical « advances » in the middle part of the last century, tuberculosis (TB) is no longer considered a major infectious scourge in France or Germany. Through a comparative ethnography in Île-de-France and in Berlin, this thesis is concerned with understanding the way that this “disappearing object” is treated and problematized in contemporary European biomedical settings. Observing TB in the domain of clinical medicine and public health, this work is informed by the following questions: how does a disease of the past exist in a world turned towards the future and progress? How is a social disease treated in the biomedical domain? And how does one control of a disease – which is nowadays almost always associated with “elsewhere” – at home ? The thesis shows how the medical residues of the past are assembled locally in clinical biomedicine and in public health within contemporary social and political frameworks; it describes the actualisation of old public health practices as they are deployed at the margins of the state; and it describes the social, ethical and political stakes generated by the treatment and the control of a social disease in decline through an investigation of a field – biomedicine – which is today increasingly scientific, technological and future-oriented. The thesis thus brings to the fore the ambivalent existence of tuberculosis in France and Germany today through an anthropology of its ordinary treatment practices. The central contention is that TB oscillates between being a social pathology, an affliction of the past, and a disease of the “other”. As such, it has become a “disease without future” in france and Germany.
Abstract FR:
La tuberculose a cessé d’être un fléau il y a un demi-siècle en France comme en Allemagne. Vaincue par le double progrès social et médical dans les années 1950 et 1960, cette maladie infectieuse est aujourd’hui une préoccupation marginale du pouvoir politique et des institutions de santé publique dans les deux pays – contrastant ainsi avec la situation à l’échelle mondiale, où elle constitue depuis deux décennies un nouveau défi médical et sanitaire. À travers une ethnographie comparative en Île-de-France et à Berlin, menée auprès des professionnels de santé et de leurs patients dans trois services hospitaliers et trois centres de lutte anti-tuberculose, ma thèse s’attache à comprendre la manière dont la tuberculose, cet objet disparaissant, est problématisée, traitée et prise en charge en pratique aujourd’hui. Trois questionnements, à l’aune desquels cette maladie a été suivie dans les domaines de la clinique et de la santé publique, ont guidé ce travail. Comment une maladie du passé existe-elle dans un monde tourné vers l’avenir et le progrès? Comment une maladie sociale est-elle traitée dans le domaine biomédical ? Comment une maladie associée à l’ailleurs est-elle contrôlée ici ? En articulant une ethnographie des activités thérapeutiques et sanitaires avec une enquête sur l’histoire, la démographie et la déontologie des professionnels de chaque lieu de traitement, ma thèse met en évidence la manière dont les résidus du passé et les pratiques sociales et politiques s’agencent localement en biomédecine clinique et en santé publique ; elle décrit la réactualisation d’anciennes politiques sanitaires telles qu’elles sont déployées aux marges de l’État dans deux pays européens aujourd’hui ; enfin, elle dévoile les enjeux sociaux, éthiques et politiques qu’engendrent le traitement et le contrôle d’une maladie sociale en déclin, en enquêtant sur un champ – la médecine – qui est davantage scientifique, technologique et axé sur le futur. En somme, à travers une anthropologie de ses pratiques de traitement ordinaires, la thèse fait apparaître l’existence ambivalente de la tuberculose en France et en Allemagne, oscillant entre pathologie sociale, affection du passé et maladie de l’Autre. Ce travail montre ainsi en quoi la tuberculose représente une maladie sans avenir pour la médecine de ces deux pays « modernes » et médicalisés.