Anthropologie d'un procès : crime, marginalité et travail social
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This work analyses what is symbolicallly at stake during a Crown Court case in which a crime is explained by the psychosocial biography of a marginal person. This thesis is built on an «involved observation» survey conducted in a social specialised preventive action department. From March 16th to 25th 2010, in Tours (France), Jean Ouvrard and Julien Lidy were sued in the Crown Court. They appeared with five more people on the charge of Michel Firmin's murder with act of barbarism in 2007. During this lawsuit, I gave evidence of the educationnal support I provided for Jean Ouvrard as a street youth worker. The proposed hypothesis was to account for the murder emphasized by the «pathogenic personality traits» of the main defendant, Jean Ouvrard. Without any motive, some extracts from his psychosocial biography supported the analysis for the «reasons of murder». By this way, a murder case without historical aspects was «explained». As a first part of this work, I focus on the Crown Court ethnography. Secondly, from this case, I «unfold» in time and space some elements of the lawsuit oral debates, analysing some deviations in Jean Ouvrard's life. Examining the transformations of the popular district where Jean Ouvrard lived emphasizes that the breaking up of the local working class social fabric led to stigmatize the Chateauneuf inhabitants' identity. Families living in advanced marginality are subjected to many social supports and judicial proceedings. Following-up the 13 year sequence of «social care» for the Ouvrard family helps me to anthropologically understand some contextual facts which drove this young man to disaster. However, beyond the identity reifications, paying attention to the social and anthropological process enables to observe the individualization attempted by Jean Ouvrard while facing social and/or judicial systems. All these «detours» allow us to return, in the tird part of this thesis, to what is symbolically at stake in the system of the Jean Ouvrard case in the Crown Court. The analisys of the discursive framework displayed by the judicial parties inolved in the court highlights the layout of a «judicial social and medical continuum» aiming at giving account for Jean Ouvrard's «morbid abilities». Specific traits connected to the crime are linked particularly to a negative glimpse of a part of the French popular-district youth. These representations are relayed in the society by the media system. Therefore, this work hypothesis is to puzzle out the Crown Court case as an event in which some obvious character traits are revealed and magnified by describing the «human monster», Jean Ouvrard.
Abstract FR:
Le présent travail analyse les enjeux symboliques liés à l’explication d’un crime par la biographie psychosociale d’un individu marginal lors d’un procès d’assises. Cette thèse s’appuie sur une enquête de « participation observante » menée au sein d’un service social de prévention spécialisée. Du 16 au 25 mars 2010 eut lieu à Tours (France), le procès en cour d’assises de Jean Ouvrard et Julien Lidy. Ils comparaissaient avec cinq autres personnes pour le meurtre avec acte de barbarie de Michel Firmin qui avait eu lieu en 2007. Durant ce procès, je témoignai du suivi éducatif que j’avais mené avec J. Ouvrard dans le cadre de ma fonction d’éducateur de rue. L’hypothèse qui y fut défendue fut, notamment, que le meurtre s’expliquait par les « traits de personnalité pathogènes » du principal accusé, J. Ouvrard. En l’absence de mobile, des extraits de sa biographie psychosociale servirent de support à l’analyse des « raisons du crime ». En ce sens, il y fut « expliqué » une histoire dans laquelle manquait la dimension historique. Dans la première partie du travail, je réalise l’ethnographie du procès d’assises. Dans la deuxième partie, à partir de cette situation, je « déplie » dans le temps et l’espace certaines données issues des débats oraux du procès en analysant différents détours. L’étude des transformations du quartier populaire où résidait J. Ouvrard met en évidence que la déstructuration du tissu ouvrier local a entraîné la stigmatisation identitaire des habitants de Châteauneuf. Les familles en situation de marginalité avancée font l’objet de multiples suivis sociaux et judiciaires. Le suivi du déroulement de ces « prises en charge » auprès de la famille Ouvrard, durant treize années, me permet d’appréhender anthropologiquement des éléments contextuels qui ont conduit ce jeune adulte au désastre mais, au-delà de toutes réifications identitaires, l’attention aux processus socio-anthropologiques favorise également l’observation des tentatives de subjectivation de J. Ouvrard face aux dispositifs sociaux et/ou judiciaires. L’ensemble de ces « détours » permet de mieux revenir, dans la troisième partie du travail, sur les enjeux symboliques liés au dispositif du procès d’assises de J. Ouvrard. L’analyse de la « trame discursive » déployée par les acteurs de la scène judiciaire met en évidence l’agencement d’un « continuum médico-socio- judiciaire » visant à expliquer le meurtre par le « potentiel morbide » de J. Ouvrard. Les traits de personnalité mis en exergue pour expliquer le crime sont notamment liés à la perception négative d’une partie de la jeunesse issue des quartiers populaires français. Ces représentations se retrouvent être relayées par le biais d’un dispositif médiatique dans la société. L’hypothèse du travail est donc d’appréhender ce procès en cour d’assises comme un lieu où se manifestent des vérités identitaires performées à travers la description du « monstre humain », Ouvrard.