thesis

La farce verbale quechua. Une ethnographe en pays burlesque et érotique

Defense date:

Feb. 22, 2019

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Institution:

Paris, EHESS

Abstract EN:

This study sketches the contours of the Quechua verbal farce, as practiced in the Peruvian central Andes, by the members of the San Juan de Dios community. At first glance, this object seems extremely classical. As a ritual dialogue exploring burlesque alliances, it corresponds to the anthropological concept of “joking relationships". But our approach is unprecedented. Target of erotic verbal humor, we actively participated in the farces. Drawing on this interactional position, we have implemented the tools of linguistic anthropology by recording in situ, transcribing and interpreting the texts with our interlocutors. The thesis thus proposes a new reading of “joking relationships” from within the phenomenon, listening carefully to what is said and how it is said. In this perspective, the Quechua farce offers fertile material for the study of relationships between sexes at the level of participation, meta-discourse and interaction. Through their participation frame, performances account for a default affinity regime in which the stranger (in this case, the ethnographer) is included. In this way the farces are at the heart of a burning metalinguistic controversy questioning the relationship between erotic speech and sexual action. Suspected of being sexually performative, farces are, we argue, parodies of verbal affinity routines. Transforming as well as reproducing, they are able to show the differentiated ways in which women and men deal with the other sex in a humorous way. In short, the farce, heterotopic theatre of sexual difference, opens up a reflexive space in which the society plays, both through the characters and the mirror of the stranger, imitating and diverting itself, observing and reflecting on itself.

Abstract FR:

La thèse s’attache à esquisser les contours de la farce verbale quechua, telle qu’elle est pratiquée dans les Andes centrales du Pérou, par les membres de la communauté de San Juan de Dios. De prime abord, l’objet semble extrêmement classique. Dialogue rituel explorant l’alliance burlesque, il correspond au concept anthropologique de « parenté à plaisanterie ». Mais la façon dont nous l’abordons est inédite. Cible de l’humour verbal érotique, nous avons activement participé aux farces. Forts de cette position interactionnelle, nous avons mis en place les outils de l’anthropologie linguistique en enregistrant in situ, en transcrivant et en interprétant les textes avec nos collaborateurs. La thèse propose ainsi une lecture nouvelle de la « parenté à plaisanterie » à partir d’une position interne au phénomène prêtant une oreille attentive à ce qui est dit et à la façon dont c’est dit. Dans cette perspective, la farce quechua offre un matériau fécond à l’étude des rapports entre les sexes et ce, tant à l’échelle de la participation, des métadiscours que de l’interaction. De part leur cadre participationnel, les performances rendent compte d’un régime d’affinité par défaut dans lequel est compris l’étranger (en l’occurrence, l’ethnographe). C’est pourquoi les farces se trouvent au cœur d’une polémique métalinguistique brûlante interrogeant le rapport entre la parole érotique et l’action sexuelle. Soupçonnées d’être sexuellement performatives, les farces constituent - c’est notre thèse - des parodies de routines verbales d’alliance. Transformant en même temps que reproduisant, elles sont à même de montrer la façon différenciée dont les hommes et les femmes travaillent le rapport à l’autre sexe sur le plan humoristique. En somme, la farce, théâtre hétérotopique de la différence sexuelle, ouvre un espace réflexif au sein duquel la société joue, par le biais de personnages et du miroir de l’étranger, à s’imiter, à se détourner, à se regarder et à réfléchir sur elle-même.