« L'aube s'est levée sur un mort ». Anthropologie politique de la violence armée et de la culture du pavot à Badiraguato (Sinaloa, Mexique)
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
In a political anthropology approach, this thesis describes the everyday experience of the inhabitants of Badiraguato, a municipality located in the state of Sinaloa (Northwestern Mexico). Regularly described as the "cradle of drug trafficking" and the base of the "Sinaloa Cartel", this rural and marginalized municipality is heavily affected by armed violence and its economy relies on poppy production. Contrary to the common focus on the State, armed groups and drug trafficking, I aim to put these actors and activities in their rightful place, in what they do to the social context, so that they cease to be a prior determinant of its reading. Through the study of a situated social configuration, the articulation between institutional stability and armed violence appears to be constitutive of the precarious condition in which the inhabitants are caught. Thus, this research weaves together several dimensions: the everyday experience of violence, the meanings given to violent acts and the ambivalent relationships of predation, exploitation and protection in which violent practices take place. In a pragmatic and materialistic approach, each chapter is organized around a logic of action, so that the description of situations gradually reveals the context. The thesis follows the social experience of the inhabitants through the successive study of displacements, daily sociabilities, modes of subsistence and accumulation, access to land, predation in gender relations, homicides, municipal administration and impeded attempts to transform this context. It is based on an 18-month ethnography conducted between 2013 and 2016 in the main village, the offices of the town hall and the hamlets that dot the territory.
Abstract FR:
Dans une démarche d’anthropologie politique, cette thèse décrit l’expérience quotidienne des habitant.es de Badiraguato, une commune située dans l’État du Sinaloa (Nord-ouest du Mexique). Régulièrement présentée comme le « berceau du narcotrafic » et la base du « Cartel de Sinaloa », cette commune rurale et marginalisée est fortement affectée par la violence armée et son économie repose sur la production du pavot. À l’inverse de la focalisation commune sur l’État, les groupes armés et le narcotrafic, il s’agit de remettre ces acteurs et ces activités à leur juste place, dans ce qu’ils font au contexte social, pour qu’ils cessent d’être un déterminant préalable de sa lecture. À travers l’étude d’une configuration sociale située, l’articulation entre la stabilité de la politique institutionnelle et la violence armée apparaît constitutive de la condition de précarité dans laquelle les habitant.es sont pris.es. Ainsi, cette recherche tisse ensemble plusieurs dimensions : l’expérience quotidienne de la violence, les mises en sens dont font l’objet les actes violents et les rapports ambivalents de prédation, d’exploitation et de protection dans lesquels s’insèrent les pratiques de violence. Dans une approche pragmatique et matérialiste, chaque chapitre est organisé autour de logiques d’action, la description des situations permettant de dévoiler progressivement le contexte. La thèse suit l’expérience sociale des habitant.es à travers l’étude successive des déplacements, des sociabilités ordinaires, des modes de subsistance et d’accumulation, des conditions d’accès à la terre, des pratiques de prédation dans les rapports de genre, des homicides, de l’administration municipale et des tentatives entravées de transformer ce contexte. Elle s’appuie sur une ethnographie de 18 mois menée entre 2013 et 2016 dans le chef-lieu de la commune, les bureaux de la mairie et les hameaux d’habitations qui parsèment le territoire.