"Tu seras buyei". Le devoir de s'initier au Dügü, un culte de possession des Garifunas du Honduras
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
Dügü is a possession cult practiced by the Garifuna, an Afro-Amerindian society originated on the isle of Saint-Vincent, located in the Lesser Antilles. After their mass deportation to Central America by the British Crown in 1797, in the present, the Garifuna are a homogenous and transnational group scattered along the Atlantic Coast of Central America. Unlike the majority of Afro-Caribbean and Afro-Brazilian cults, the African deities do not appear in the cosmological structure of the Dügü. Instead, the Garifuna worship two categories of spiritual entities: the hiuruha and the gubida, the spirits of the dead. As a traditional religious cult, the Dügü is not based on any form of dogma and relies rather upon ritual practice. The ancestral entities are believed to act on the bodies of their living descendants by spirit possession. In the religious repertoire, ancestors follow a precise itinerary from Yurumein, the original motherland, from where they navigate on the Caribbean Sea to finally arrive to Honduras, the land of the exile. This memory remains entrenched in the Dügü and it survives beneath the surface of individuals’unconscious realms. Ancestors become visible in dreams, in hallucinatory visions and they are also the instigators of illness and misfortune. This legacy also gave birth to an important character for its propagation: the buyei. Also known as a medium and a traditional healer, the garifuna religion relies on the leadership of such ritual character. Nevertheless, in order to achieve this position, candidates most go through initiation rites that will profoundly transform their own personal identity. The main purpose of this present study is to describe and analyze the buyei’s initiation journey, which relies on two years of ethnographic research in Honduras. It argues how this character evolves into a living-support for a group’s historical memory due to the ability to master spirit possession. Possession is highly valued in the Dügü, since it is conceptualized as a direct contact with the dead. Moreover, an important place will be accorded to the expression of the fluctuating ontology of the spirits during ritual and non-ritual contexts. Finally, I intend to show here that the garifuna case reveals ostensibly how the link between tradition and individual experience turns out to be a relevant keystone in transmission dynamics.
Abstract FR:
Le Dügü est un culte de possession pratiqué par les Garifunas, un peuple afroamérindien originaire de l’île de Saint-Vincent, située dans les petites Antilles. Suite à leur déportation en masse vers l’Amérique Centrale par la Couronne britannique en 1797, aujourd’hui, les Garifunas constituent un peuple homogène et transnational répandu sur le littoral atlantique de l’Amérique Centrale. À la différence de la majorité des cultes afro-américains qui abritent pour la plupart un panthéon peuplé de divinités africaines, le Dügü est le domaine des esprits des parents défunts ascendants : les hiuruha et les gubida. Culte magico-religieux qui ignore le dogme et dont la pratique rituelle est la marque, le Dügü suppose la croyance aux esprits des ancêtres capables d’intervenir dans les corps des individus par la possession. Dans la trame cosmogonique du culte, les ancêtres sont censés suivre un itinéraire précis depuis Yurumein, l’île des origines, en traversant la mer des Caraïbes pour finalement débarquer au Honduras, la terre de l’exil. Ce passé est resté gravé dans le Dügü et survit souterrainement dans les sphères inconscientes des individus. Les ancêtres apparaissent en songe, dans des scénarios hallucinatoires, et sont également à l’origine de maladies et de l’infortune en générale. Ce souvenir a aussi donné naissance à un personnage essentiel pour sa propagation : le buyei. À la fois médium, guérisseur et chef de culte, le buyei est considéré comme le membre le plus éminent de toute la communauté religieuse. Or, pour arriver à ce statut, le Dügü exige des rites de passage au cours desquels les élus vont subir une transformation inédite de leur identité. Ce travail se donne pour objectif de décrire et d’analyser le parcours initiatique du buyei, qui s’appui sur deux années de recherche ethnographique au Honduras. L’un des enjeux essentiels consiste à comprendre comment ce personnage devient le fil capteur d’une mémoire historique grâce à la domestication de la possession. La possession est hautement valorisée dans le contexte du Dügü car elle est conceptualisée comme étant la manifestation directe des morts. Par ailleurs, la thèse accorde une place importante à l’expression de l’ontologie protéiforme des agents spirituels aussi bien dans des contextes rituels que non-rituels. Finalement, il s’agit de montrer ici que le cas garifuna révèle ostensiblement que l’articulation de la tradition à l’expérience individuelle constitue la clef de voûte dans les dynamiques de transmission.