Migrants ivoiriens en France et en Italie. Trajectoires et modes d'adaptation dans deux grandes villes européennes : Paris et Naples
Institution:
Paris, EHESSDisciplines:
Directors:
Abstract EN:
This thesis analyzes the multiple facets of the migratory experiences of Ivorians who arrived in Europe between the end of the 1990s and the end of the years 2000s. This work is based on a transnational and comparative approach and takes place in three different settings: Ivory Coast, France, and Italy. Although rooted primarily in the discipline of anthropology, this study also draws on several other disciplines such as sociology, history of migration, human geography, philosophy, and immigration law.Over the course of multisite ethnographic surveys, carried out between 2007 and 2013 in the Parisian region, in Naples and Parma, as well as in Abidjan, I have conducted long-term observations and collected numerous life histories and accounts of migration.The complexity of migratory routes undertaken by migrants is discussed in this study, as well as the development of their existential trajectories. We have described the profiles of these migrants, going beyond the categories assigned to them by the state policy, and focusing on the evolution of their lives in Europe.Particular attention was paid to the mechanisms of reproduction of contemporary Ivorian migration, which depend not only on the crises that have struck Ivory Coast since the end of the 1990s, but also on the power of the imagined and idealized West. This imagined ideal that has been built over the course of history, through the relations maintained by Ivory Coast and France during the colonial and postcolonial era, continues to develop in the present time, through representations on the media and the physical and material returns in the form of money transfers and revenues by immigrants already settled in the West. We have defined this migration as a "contemporary ritual", for which certain phases, specific to initiation rites, take place in the societies of origin, and are identifiable, although revisited in larger spatial and temporal frameworks.Two places in particular were the privileged sites of my investigations: the former Maison des Etudiants de Côte d'Ivoire in Paris, and the “ghetto” of “old houses” in via dell'Avvenire in Pianura, a district of Naples. Both served were squatted by many of these migrants and evicted in 2008 and in 2010, respectively. In the context of social marginalization stemming from European migration policies over the course of recent decades, which clearly operate against migrants from so-called “poor” countries, these sites turned out to be real social laboratories through which migrants have developed multiple practices of "dynamic resistance", practices created and implemented in order to re-build themselves and their lives and bypass different types of obstacles. These forms of dynamic resistance stem from the symbolic and constant dialogue that Ivorian migrants maintain with the cultural and social universe of their country of origin, and which helps them to reformulate and invent new ways of adapting to the new environments encountered during migration.The last part of the study deals with the work of Ivorian associations founded by migrants in France and Italy, in particular the hometown associations and those whose membership is defined by national origin. By describing their different missions, the modalities of their activities, and the meanings that members assign to their participation, these social productions bear witness to another intimate aspect through which the transnational dimension of Ivorian migration is expressed.
Abstract FR:
Cette thèse analyse les multiples facettes des expériences migratoires d’Ivoiriens arrivés en Europe entre la fin des années 1990 et la première décennie des années 2000. S’inscrivant dans trois scènes : Côte d’Ivoire, France et Italie, ce travail s’appuie sur une démarche transnationale et comparative. Bien qu’en étant essentiellement ancrée dans le champ disciplinaire de l’anthropologie, cette étude a fait également appel à plusieurs autres disciplines telles que la sociologie, l’histoire des migrations, la géographie humaine, la philosophie, le droit des étrangers.Durant des enquêtes ethnographiques multisite, réalisées entre 2007 et 2013 en région parisienne, à Naples et à Parme, ainsi qu’à Abidjan, j’ai mené des observations intensives sur une longue période et recueilli nombreuses histoires de vie et récits de migrations. La complexité des itinéraires migratoires empruntés par les migrants est traitée dans l’étude, ainsi que le développement de leurs trajectoires existentielles. Nous avons décrit les profils de ces migrants, en dépassant les catégories qui leur sont assignées par la raison d’Etat, et en nous concentrant sur les évolutions de leurs vies en Europe.Une attention particulière a été réservée aux mécanismes de reproduction de la migration ivoirienne contemporaine, dépendants non seulement des crises qui ont frappé la Côte d’Ivoire depuis la fin des années 1990, mais également de la puissance de l’imaginaire sur un Occident idéalisé. Cet imaginaire qui s’est bâti au cours de l’histoire, par les rapports entretenus entre la Côte d’Ivoire et la France à l’époque coloniale et postcoloniale, continue de se développer dans la contemporanéité, par les représentations des médias ou encore par les retours physiques et matériels, en termes de transferts d’argent, des migrants déjà installés en Occident. Nous avons défini cette migration comme un « rituel contemporain », certaines phases propres aux rites d’initiation ayant cours dans les sociétés d’origine, étant identifiables, bien que revisitées et dans un cadre spatial et temporel plus étendu. Deux lieux : l’ancienne Maison des Etudiants de Côte d’Ivoire à Paris, et le « ghetto » des « vieilles maisons » de la via dell’Avvenire à Pianura, quartier de Naples, squattés par nombre de ces migrants et évacués, l’un en 2008, l’autre en 2010, ont été les espaces privilégiés de mes enquêtes. Dans les contextes de marginalisation sociale déterminés au cours de ces dernières décennies par les politiques migratoires européennes qui vont manifestement à l’encontre de migrants en provenance de pays dits « pauvres », ces sites se sont révélés des véritables laboratoires sociaux d’où les migrants ont déployé de multiples pratiques de « résistance dynamique », créées et mises en œuvre, pour se reconstruire, refaire leurs vies, en contournant de nombreux obstacles. Ces résistances dynamiques découlent du dialogue symbolique et constant que les migrants ivoiriens entretiennent avec l’univers culturel et social de leur pays d’origine, et qui les aide à reformuler et à inventer de modes d’adaptation aux nouveaux environnements du contexte migratoire. La dernière partie de l’étude traite du travail des associations ivoiriennes fondées par les migrants en France et en Italie, notamment celles à caractère « ethnovillageois » et celles dont l’appartenance est définie par l’origine nationale. En décrivant leurs différentes missions, les modalités de leurs activités, et les significations que les membres donnent de leur participation, ces productions sociales témoignent d’un autre volet par lequel s’exprime la dimension transnationale de la migration ivoirienne.