thesis

Politiques de l'autochtonie : histoires, scènes et ressources de subjectivation politique chez les peuples autochtones du bas Marañón (Amazonie péruvienne)

Defense date:

Sept. 18, 2020

Edit

Institution:

Paris, EHESS

Authors:

Abstract EN:

This study is devoted to the stories that document the epic tale of indigeneity in the Lower Marañón basin, to the formation of the individual and collective subjectivities that are its protagonists, to the situations in which they arise and the resources they draw upon in order to constitute themselves politically as subjects of their own destiny as indigenous peoples. The aim is thus to describe the plural politics of indigeneity, because indigenous political subjectivities in the lower Marañón produce a politics of adaptation as well as a politics of discrepancy, a politics of diplomacy as well as a politics of war, a politics of integration as well as a politics of emancipation, and a politics of representation as well as a politics of vision.I attempt first to understand the socio-historical factors and the political assemblages that both constrain and allow the emancipation of the indigenous Amazonians today. The study then looks at the different settings in which the collective figure of the indigenous people is constructed in its ability to articulate an "us" and to distinguish itself from a "them." These settings are, first, a local political assembly, then a regional indigenous federation, and finally the face-to-face encounter between the indigenous people and the State. Each time, a fundamental feature of political subjectivations is revealed: how the base of a homogeneous organization is formed from an initial heterogeneous assembly, how a capacity for political representation is negotiated, how different levels of leadership are articulated, how a "we, indigenous people" emerges on the polemical scene of its enunciation, and how it jointly affirms both its autonomy and its belonging to the nation. Finally, I show how the indigenous leaders of the lower Marañón basin draw on the versatile resources of identity, ontology and law to create singular political subjectivities.In each case, indigenous peoples make themselves both stubbornly persistent and elusive as they produce—in the face of all that tends to neutralize their emancipatory efforts—the very resources of their political subjectivation. This study thus shows that indigenous politics is not primarily a politics of identity, nor a struggle for cultural preservation, nor even an attempt of socio-political contestation, but an ability to create margins of maneuver in the face of adversity, to engage in a common endeavor and to produce a new collective subject from recomposed singularities. In other words, indigenous political subjectivation exists only because the political subject it aims at is not given but, always, to come.

Abstract FR:

Cette étude est consacrée aux histoires qui relatent l’épopée de l’autochtonie dans le bassin du bas Marañón, à la formation des subjectivités individuelles et collectives qui en sont les protagonistes, aux scènes où celles-ci se produisent et aux ressources auxquelles elles puisent afin de se constituer politiquement en sujets de leur propre destin en tant que peuples autochtones. Il s’agit ainsi de décrire les politiques plurielles de l’autochtonie : les subjectivations politiques autochtones dans le bas Marañón produisent en effet une politique de l’adaptation en même temps qu’une politique du décalage, une politique de la diplomatie en même temps qu’une politique de la guerre, une politique de l’intégration en même temps qu’une politique de l’émancipation, et une politique de la représentation en même temps qu’une politique de la vision.Il s’agit d’abord de comprendre les facteurs socio-historiques et les assemblages juridico-politiques qui à la fois contraignent et rendent possible l’émancipation des autochtones amazoniens aujourd’hui. L’enquête se penche ensuite sur les différentes scènes où se fabrique la figure collective du peuple autochtone dans sa capacité à énoncer un « nous » et à se distinguer d’un « eux » : la scène d’une assemblée politique locale, puis celle d’une fédération autochtone régionale, et enfin celle du face-à-face entre les autochtones et l’État. À chaque étape, un caractère fondamental des subjectivations politiques se trouve en jeu : la formation des bases d’une organisation homogène à partir d’une hétérogénéité initiale, la négociation d’une capacité de représentation politique, l’articulation des différentes échelles du leadership, l’émergence d’un « nous, peuples autochtones » sur la scène polémique de son énonciation, et l’affirmation conjointe de son autonomie et de son appartenance à la nation. Enfin, il s’agira de montrer comment les leaders autochtones du bas Marañón puisent aux ressources polyvalentes de l’identité, de l’ontologie et du droit afin de constituer des subjectivités politiques singulières.Il s’agit bien, à chaque fois, de rendre l’autochtonie obstinément persistante et insaisissable en tant qu’elle produit – face à tout ce qui tend à en neutraliser les effets d’émancipation – les ressources mêmes de sa subjectivation politique. Cette enquête montre ainsi que la politique autochtone n’est pas d’abord ni principalement une politique identitaire, ni une lutte pour la sauvegarde culturelle, ni même une entreprise de contestation sociopolitique, mais une capacité d’aménager des marges de manœuvre dans l’adversité, de s’engager dans un agir commun et de produire un nouveau sujet collectif à partir de singularités recomposées. Autrement dit, il n’y a de subjectivation politique autochtone que parce que le sujet politique qu’il vise n’est pas donné mais, toujours, à venir.